Quand le chef de SYRIZA Alexis Tsipras rencontre le pape François : « on s’est retrouvés sur l’humain d’abord »

bergoglio-videla« Une rencontre historique », c’est ainsi que le porte-parole de SYRIZA a qualifié la rencontre au Vatican entre le leader du parti SYRIZA, présenté comme de gauche radicale, Alexis Tsipras et le pape François. Une rencontre tout sauf anecdotique.

Quand un humaniste rencontre un autre humaniste, qu’est-ce qu’ils se racontent ?

D’après le Vatican, cela fait des mois que SYRIZA négocie en coulisses pour organiser une rencontre entre Tsipras et le pape. Le Saint-Siège préférait attendre la fin des élections européennes, SYRIZA voulait avant.

Cela presse pour le leader de SYRIZA, on sent la crise de foi, comme une envie de parler de Dieu et des hommes, du sens de la vie, de l’origine du monde. Comme une envie aussi d’œcuménisme, dans un pays avec 79 % de croyants où un athée peut difficilement imaginer être élu.

Qu’attend Tsipras du nouveau patron jésuite du Vatican ?

Il y a un mois, Alexis Tsipras rendait ainsi visite aux moines d’Athos, lieu saint de l’Eglise orthodoxe grecque, abritant une communauté monastique puissante, incarnation des immenses privilèges fonciers et fiscaux de l’institution ecclésiastique.

Après avoir réalisé son pèlerinage dans toute l’Europe auprès des lieux saints du capitalisme – ayant démarché le patronat et l’Église grecs, les dirigeants sociaux-démocrates à Madrid ou Berlin, les responsables de la BCE à Francfort, du gouvernement allemand à Berlin, de la Commission européenne à Bruxelles, jusqu’à ceux du FMI à Washington – il faut finir par le Vatican.

Tous les chemins de l’ordre établi mènent à Rome. Auprès de la sainte Eglise apostolique et romaine qui a soutenu les régimes les plus réactionnaires en Europe et Amérique latine, béni le fascisme et le nazisme, liquidé les mouvements chrétiens progressistes, mené la croisade contre le communisme.

Mais les temps changent. Le pape François représente le « catholicisme à visage humain ».

Peu importe qu’il soit le premier pape jésuite, les maîtres dans l’art du double discours, les plus soumis au Vatican, mettant leur savoir docte au service de la conquête des milieux populaires pour mieux défendre l’ordre établi, même si une minorité a pu le contester.

Pourtant nos amis argentins le connaissent bien. Au mieux, il s’est tu sous la dictature de Videla de 1976 à 1983, au pire, il a collaboré. Ils savent combien il fut hostile au communisme et aux mouvements les plus progressistes de l’Église, telle la Théologie de la libération.

Mais ceci est du passé, laissons la parole à Alexis 1 er et à François 1 er. *

« On s’est retrouvé sur l’humain d’abord »

Selon le récit d’Alexis Tsipras, les deux responsables politiques ont parlé de la situation internationale en Ukraine, au Moyen-Orient, des questions humanitaires liées à l’immigration, de l’urgence sociale en Grèce ainsi que des valeurs de justice sociale, de paix et de dignité humaine.

Et là ce fut le coup de foudre, selon Tsipras, qui mentionne le pape François comme « le pape des pauvres » : « nous sommes partis de visions idéologique différentes, mais nous nous sommes retrouvés sur des valeurs humaines universelles, sur l’humain d’abord ». ( = pan-human values)

Le Pape précise cette divine convergence sur ‘l’humain d’abord’, en tout cas pour la Cité des hommes : « on s’est retrouvé sur l’idée de mettre l’humain au-dessus des banques et des profits ».

Le récit continue, avec un troc savoureux, père François en bon jésuite avisé : « Tsipras a offert au pape une branche d’olivier (sic), symbole de paix. François a donné à Tsipras une copie de son exhortation apostolique, la Joie de l’Evangile (re-sic), que certains ont décrit comme une illustration de sa conception radicale du rôle de l’Eglise dans le monde moderne ».

« Vous parlez un langage différent qui sonne comme une mélodie de l’espoir »
(le Pape à Saint-Alexis)

Alexis et François sont d’accord sur la nécessité de la paix au Moyen-orient. Nous voilà rassurés.

Alexis a détaillé ensuite la situation dramatique en Grèce due à l’austérité (mais pas à l’UE) : « Je lui ai raconté l’impasse que nous vivons, quand la majorité des Grecs paient la note, alors que les banques sont sauvées ».

Notre très saint père a été « ému » et « bienveillant » selon les rapports journalistiques, soulignant la nécessité de défendre l’humain plutôt que les banques. Il en a profité pour bénir Alexis :

« Les jeunes politiciens comme vous, vous parlez un langage différent qui sonne comme une mélodie de l’espoir ».

Dieu merci, c’est bien la première fois qu’un pape a des paroles aussi douces pour un leader présenté parfois comme crypto-communiste. Tsipras a bien fait passer son message : « il n’est pas dangereux » pour l’ordre établi.

Tsipras pour un « vaste front oecuménique » pour mettre les « gens d’abord »!

Mais Tsipras n’en a pas fini, il en rajoute une couche. Selon certains compte-rendus, non-rapportés par Tsipras lui-même, il aurait – comme sur le mont Athos – fait l’éloge de l’Eglise comme institution sociale, sans s’exprimer sur la religion chrétienne en soi.

Il a conclu ainsi sur un appel à un vaste front, du Vatican à Athènes, en passant par Bruxelles :

« Nous sommes d’accord sur la nécessité de continuer le dialogue entre la Gauche européenne et l’Eglise chrétienne. Il faut créer une alliance œcuménique contre la pauvreté, les inégalités, contre la logique mettant les marchés et les profits d’abord, et non les gens ».

On se demande toujours jusqu’où va aller l’incroyable M.Tsipras, lui qui fut encore récemment porté comme candidat de la « gauche européenne » pour la Commission européenne, nommé tête de liste par les héritiers du communisme italien : la réponse est jusqu’au pouvoir, non pour subvertir mais pour maintenir l’ordre établi grec et européen.

* d’après le récit donné par les médias grecs et anglo-saxons, ici The Guardian, To Vima, Ekathimerini, Catholic online ainsi que le site de SYRIZA.

** Légende de l’image : un dessin polémique du satiriste brésilien Latuff, avec le pape François arborant autour du cou un médaillon à l’effigie du dictateur Jorge Videla. Entre 1976 et 1983, Jorge Bergoglio est provincial (la plus haute responsabilité régionale) de la Compagnie de Jésus pour l’Argentine. Selon le journaliste d’investigation Horacio Verbitsky, pour Pagina 12, réputé pour son sérieux, Jorge Bergoglio aurait collaboré avec la dictature de Videla sans faire de zèle avant tout en maintenant le silence sur les violations des droits de l’Homme du régime, concrètement face à l’arrestation de deux jeunes prêtres jésuites Orlando Yorio et Franz Jalics, par ailleurs dangeureusement proches des thèses de la Théologie de la Libération. Tous les observateurs reconnaissent un mérite au futur pape : celui d’avoir maintenu l’unité de la congrégation jésuite. Au prix de son silence complice, disent ses détracteurs.

Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/ **

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