Les USA bombardent les islamistes en Syrie. Il y a un an, ils voulaient entrer en guerre à leurs côtés. De qui se moque-t-on ?

Le chef républicain américain John McCain faisant un selfie avec des combattants islamistes syriens en 2013, dont plusieurs ont rejoint depuis l'EI (l'Etat islamique)

Le chef républicain américain John McCain faisant un selfie avec des combattants islamistes syriens en 2013, dont plusieurs ont rejoint depuis l’EI (l’Etat islamique)

Il y a des nouvelles le matin qu’il faut écouter à deux fois avant d’y croire : les Etats-unis bombardent désormais le territoire syrien, sans l’accord du gouvernement, pour anéantir une opposition islamiste qu’ils ont soutenu, alimenté avec les guerres américaines en Irak.

Face à la crise du capitalisme et ses contradictions inextricables, les mensonges de l’impérialisme, la seule issue pour le capital : c’est la guerre. La destruction, la course aux armements alimentent des profits salutaires, les tensions communautaires permettent de « diviser pour mieux régner ».

Les frappes de la nuit dernière auraient fait 120 morts – 70 d’EI, 50 d’Al Qaeda – selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme. Huit civils, dont trois enfants sont également morts. Sans susciter autant d’indignation ici que les sinistres décapitations de journalistes américains.

D’après le récit qu’en fait une radio comme RFI, l’Arabie saoudite, le Qatar, la Jordanie et les Emirats arabes unis participeraient à des degrés divers à ses raids.

Ces quatre dictatures – dont l’Arabie saoudite et le Qatar parmi les plus obscurantistes du monde – forment une bien étrange « Sainte alliance » face à l’islamisme dont ils sont l’inspiration.

Qui a dit qu’au moment où James Foley était décapité, l’Arabie saoudite décapitait quatre hommes pour … possession de haschich ? On sait où l’EI trouve son inspiration.

Cela pose tout de même une série de questions urgentes :

Pourquoi ne dit-on rien sur notre soutien depuis 2011 à ces « rebelles syriens » que l’on bombarde maintenant ?

1 – Rien n’est dit sur le financement depuis 2011 d’une rebellion islamiste syrienne par nos alliés, l’Arabie saoudite et le Qatar.

C’est un secret de polichinelle que les deux monarchies absolues finançaient les islamistes sunnites, notamment « Al-Nosra » pour le Qatar et « EIIL » pour l’Arabie saoudite.

Depuis, l’EI continue à recevoir des donations de richissimes figures du Golfe « à titre individuel ». Quand on sait combien familles princières, milliardaires, réseaux islamistes sont liés dans ces pays, on peut pouffer.

Un étrange silence se maintient aussi sur la contribution des services secrets saoudiens menés par le prince Bandar – vieil ami de la famille Bush – depuis 2011 pour organiser ces forces islamistes, notamment à partir de camps d’entraînement en Jordanie.

On estime par ailleurs que les Saoudiens constituent le premier contingent étranger en Syrie et en Irak pour l’Etat islamique (EI).

2 – Rien n’est dit sur la complaisance d’un autre allié, la Turquie, avec les rebelles islamistes de Syrie.

Les rebelles islamistes se maintiennent depuis trois ans dans le nord de la Syrie, au long d’une frontière de 800 km avec la Turquie, et résistent à une des armées les plus puissantes de la région.

Jamais cela ne serait possible sans un soutien tacite du gouvernement islamiste d’Erdogan. Divers compte-rendus sortis dans la presse turque révèlent que les combattants islamistes trouvent en Turquie une base arrière pour se soigner, se restaurer, se ravitailler en armes et trouver une aide logistique.

Les services secrets turcs (le MIT) ont apporté une aide dont seule l’ampleur reste en débat, la police et la douane turques ferment les yeux face au flot de djihadistes passant majoritairement par la frontière turco-syrienne.

L’affaire du camion rempli d’armes et de munitions destiné à la Syrie, intercepté le 1er janvier 2014 à la frontière à Adana, est révélatrice. Ce camion appartenait à l’IHH (Fondation turque pour l’aide humanitaire), organisation de charité islamique liée à la famille Erdogan, paravant pour le financement de groupes djihadistes en Syrie. Les services secrets turcs étaient impliqués.

3 – Rien n’est sur le soutien moral, politique, financier apporté par les Etats-unis aux rebelles syriens depuis 2011.

Encore en juin dernier, Obama a promis 500 millions de $ pour armer les « rebelles syriens », « modérés » bien sûr. On voit mal à quoi ressemble un islamiste armé modéré !

Depuis 2011, les Etats-unis ont été à l’avant-garde d’une campagne idéologique tendant à opposer de façon manichéenne un régime oppressif, sanguinaire à des civils indignés épris de liberté et de démocratie.

Une image qui a volé en éclats quand il est apparu que la « résistance » au régime laic et nationaliste d’Assad n’était composée que de militaires en quête de pouvoir, de bureaucrates corrompus dissidents nés des flancs de l’Ancien régime, et d’islamistes extrémistes.

4 – Rien non plus sur le bilan désastreux de 25 ans d’ingérences au Moyen-orient, en Irak.

Qu’ont apporté les deux guerres du Golfe, en particulier celle de 2003 ? On promettait la démocratie, la prospérité, la paix. On a eu l’obscurantisme, la misère, la guerre.

Le régime de Saadam longtemps soutenu par les Occidentaux, malgré ses aspects répressifs détestables, avait fait de son pays celui disposant du meilleur système de santé et d’éducation de la région. La minorité chrétienne était protégée, celle kurde disposait d’une relative autonomie.

Depuis 2003, le pays a sombré dans un conflit communautaire sanglant, sa « démocratie » a servi au pillage des richesses du pays (le pétrole) et a alimenté un régime communautaire corrompu. Sa population,dont 500 000 à 1 million de personnes sont mortes à cause de l’intervention américaine, est retourné à l’ « âge de pierre » comme le promettaient Bush, père et fils.

Ceux qui s’étaient opposés à la guerre en Irak en 2003 soulignaient tous les risques de chaos dans la région, l’hypocrisie d’une guerre pour le pétrole, voire le rempart de régimes « nationalistes laics » comme ceux de Saadam, Kaddafi ou Assad contre l’islamisme extrémiste. Aujourd’hui, ce camp de la vérité remporte une victoire symbolique amère et superflue.

5 – Enfin, rien sur ce qu’on nous disait un an : qu’il fallait intervenir en Syrie aux côtés des rebelles contre Assad.

C’est le plus incroyable, on était il y a moins d’un an aux bords de la guerre … aux côtés des islamistes d’EI, d’Al Nosra contre le gouvernement d’Assad !

C’était l’histoire des armes chimiques soi-disant tirés par le régime syrien le 21 août. Dès le départ, plusieurs experts des renseignements américains ont souligné les contradictions de la version officielle.

Depuis, l’implication du MIT turc, des services saoudiens, et surtout la responsabilité pratique des islamistes dans le déclenchement de ces frappes se dessine nettement.

En dépit des va-t-en-guerre – dont la France de Laurent Fabius – les Etats-unis ont du rebrousser chemin, face à l’intransigeance russe, aux manœuvres ambigues des Saoudiens, conscients d’être impliqués dans un combat douteux, dont ils risquaient de ne pas maîtriser l’issue.

Un an après, il semble aux premiers abords que les Etats-unis se retrouvaient, malgré eux, dans un front commun avec Bachar al-Assad, l’Iran … contre les rebelles islamistes syriens qu’ils soutenaient il y a un an. On est pas en 2014, mais en 1984 !

Justifier l’ingérence en Syrie et en Irak … pour continuer à alimenter le chaos dans la région !

Mais les apparences sont peut-être trompeuses. Les Etats-unis n’ont toujours pas abandonné leur plan d’ensemble : le « Nouveau Moyen-orient », qui suppose l’élimination de l’Irak et de la Syrie comme puissances indépendantes, l’encerclement de l’Iran.

Concrètement, par une habile manœuvre géopolitique. On peut dégager quatre lignes cohérentes pour les USA avec ces premiers bombardements.

A – le but des USA, c’est de maintenir le chaos dans la région pour réduire à l’impuissance les grands États arabes.

L’Irak, la Syrie sont historiquement les deux grands Etats arabes du Moyen-orient, avec une population éduquée et progressiste, une armée forte et nationaliste, une sympathie pour la cause palestinienne.

La stratégie américaine, ce sont de les briser en tant qu’Etat – éventuellement en allant jusqu’à leur partition. Les Etats-unis savent que l’alternative la plus probable au régime d’Assad, c’est un Etat islamiste, avec la bénédiction de leurs alliés du Golfe.

Les USA et surtout Israel n’y ont pas intérêt. La stratégie israélienne comme celle américaine est plutôt de maintenir les deux cas dans un état de guerre civile permanente, d’auto-destruction de la Syrie et de l’Irak, qui réduiraient ces deux Etats à l’impuissance, loin de la question palestinienne.

B – leur but, c’est aussi de créer un climat d’insécurité dans la région pour alimenter la course aux armements.

Le chaos permanent permet de donner un nouvel élan à la course aux armements dans la région, de créer un ennemi peut-être fantoche pour augmenter les budgets militaires, les commandes aux pays occidentaux.

Dans la « guerre contre la terreur », le business voit double ou triple, voire quadruple.

D’un côté, les marchands de canons américains, français, allemands, britanniques arment nos dictatures alliées – Arabie saoudite, Qatar, EAU – qui tirent les commandes occidentales. L’Arabie saoudite est ainsi le premier client de la France et de l’Allemagne.

De l’autre, ces dictatures saoudiennes ou qataris financent et arment en sous-main les rebelles islamistes (avec nos armes) et créent un ennemi qui légitiment de nouvelles commandes militaires, non seulement de ces dictatures, mais des autres puissances de la région et des pays occidentaux.

Ce n’est pas fini. Une fois la menace montée de toutes pièces par nos alliés, avec nos armes, nous légitimons ensuite l’armement de nouveaux rebelles, résistants (comme les Kurdes irakiens) que nous armons, finançons grâce à des dépenses militaires exceptionnelles payées par l’Etat, légitimant la re-militarisation de leur économie, ce que font les Allemands.

C – cela sert de prétexte à une intervention aérienne et bientôt terrestre contre Bachar al-Assad.

Le comble de la fourberie, il apparaît de plus en plus que la menace fantôme EIIL/EI soit une façon de légitimer de façon paradoxale une intervention armée en Syrie.

Ainsi, le président américain Obama a parlé d’une longue campagne, peut-être sur plusieurs années.

Il a évoqué la coordination avec la Jordanie, l’Arabie saoudite, les autres rebelles syriens d’une campagne militaire terrestre pour battre les islamistes d’EI, accompagnée d’une vague de bombardements.

Qui peut croire qu’une fois en Syrie, les troupes américaines, saoudiennes, jordaniennes – qui rêvent depuis 2011 de faire tomber Assad – s’arrêteront à la lutte contre EI, collaboreront même avec les troupes de l’armée régulière ?

La « guerre qui vient » approche, se rapproche. En ce centième anniversaire de la mort de Jaurès, une phrase reste gravée en nous : « le capitalisme porte la guerre, comme la nuée porte l’orage ». Son idéalisme pacifiste n’a pas triomphé du capitalisme belliqueux, espérons que les forces de paix trouveront les armes matérielles pour éradiquer ce mal à la racine !

Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

 

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