Nouvelle rencontre pour Emmanuel Mousset qui, chaque mois autour d’un café, s’entretient avec celles et ceux qui bâtissent l’histoire de Saint-Quentin. Cette fois, place à Corinne Bécourt, alias Coco. Une infatigable militante communiste qui dirige de main de « maître » la section locale du PCF avec, dans ses rangs, pas moins de 250 adhérents. Une guerrière qui voit rouge face aux injustices et qui a dans le sang
le sens de la famille…
Pour ses amis, c’est Coco parce que Corinne est son prénom ; pour d’autres parce qu’elle est communiste, première responsable du PCF à Saint-Quentin. Au bar PMU « Le Bellevue » devant l’église de Remicourt, entre bouffées de cigarette électronique et éclats de rire, Coco m’appelle Moumousse et me raconte son enfance à Amiens, puis à Condé-sur-l’Escaut, dans une cité ouvrière du Nord, juste à côté du quartier des mineurs. Son père est terrassier, sa mère femme au foyer, pas communistes du tout.
A l’école, la petite Corinne apprécie l’égalité entre enfants. C’est plus tard qu’elle voit apparaître tristement les différences sociales. Au collège, elle est déjà une rebelle, séchant les cours pour participer à ses premières manifs. Exclue de son établissement, Corinne Bécourt va travailler à Lille, bonne à t
out faire dans une famille de la grande bourgeoisie, corvéable de 5 h à 22 h : « J’allais porter la tisane à Madame. » Logée, nourrie, mal payée et peu considérée, elle gifle la nièce qui lui ordonne de ramasser un objet : « Plus jamais personne ne me parlera sur ce ton-là », jure-t-elle. De cet incident date sa colère contre les injustices.
« J’ai pris conscience que le PCF défendait ma classe… »
Il faut bien vivre : Corinne Bécourt se déplace à Valenciennes et enchaîne les petits boulots, plongeuse dans un restaurant, vendeuse de chaussures de luxe ou porteuse de repas à domicile chez un comte !
Peu après son arrivée à Saint-Quentin, deux militants frappent à sa porte pour lui vendre « L’Humanité Dimanche ». Elle s’abonne et adhère très vite au Parti communiste français, en 1988. « J’ai pris conscience que le PCF défendait ma classe, la classe ouvrière. » A celle qui a quitté très tôt l’école, l’organisation apporte une formation intellectuelle. « Je suis marxiste-léniniste. » La rebelle est devenue une révolutionnaire. Au quartier Europe, elle intègre la cellule Emile-Tournay, forte alors de 220 adhérents. En 1994, Corinne entre au bureau de la section. Les alliances régionales avec le Front national lui donnent l’occasion d’exercer ses talents de militante : elle participe en 1998 à la création du CLRIF (Comité local de résistance aux infiltrations fascistes) dont le fait d’armes est l’occupation du Conseil municipal !
Première candidature aux élections municipales en 2002. D’autres suivront, aux législatives, régionales et départementales. Jamais élue, ce n’est pas un problème pour Corinne Bécourt : « Les élections ne sont pas une fin en soi mais un moyen, une tribune. L’objectif est de convaincre la population d’agir pour une vie meilleure. » De fait, elle déteste l’électoralisme, « aller à la gamelle » dans son langage souvent haut en couleur. En 2012, ses camarades la portent à la plus haute fonction locale : secrétaire de section.
Parallèlement, Corinne Bécourt participe à la vie nationale du Parti dès 1994, en tant que déléguée au XXVIIIème congrès du PCF à Paris. Agée de 30 ans, c’est la première fois qu’elle découvre la capitale : entre deux réunions, elle en profite pour visiter la tour Eiffel. Robert Hue prend la direction du Parti pour neuf années, la jeune communiste s’oppose à sa ligne politique, coupable à ses yeux de transformer une organisation révolutionnaire en appareil social-démocrate. Elle rejoint un collectif dont le nom est tout un programme : « Remettre le PCF sur les rails de la lutte des classes ». C’est à ce titre qu’elle devient de 2008 à 2011 membre du Conseil national, le « Parlement » du Parti. Au siège du PCF, place du Colonel-Fabien, devant 220 conseillers, le franc-parler de la Saint-Quentinoise détonne : elle défend les fondamentaux du communisme, convoque la Commune, Octobre 1917 et la Résistance, tient au drapeau rouge, faucille et marteau, poing levé et Internationale.
Mais qu’est-ce qui fait courir Corinne Bécourt ? « Militer c’est vivre, s’engager pour les autres. Ce n’est pas un sacrifice : tu donnes et tu reçois. Je ne pourrais pas m’arrêter. » Son kif c’est le piquet de grève qu’on rejoint à 5 h du matin devant des palettes en feu :
« A ce moment-là, tu sens la force du collectif. La solidarité fait du bien. C’est le seul outil qu’ont les ouvriers pour faire plier le patronat. » A Tergnier, avec les cheminots, bloquant l’entrée du fret, un huissier lui demande de décliner son identité : « Marie-Antoinette ! », éclate-t-elle de rire. Elle est comme ça, Coco.
Il n’y a pas que le PCF dans sa vie, mais aussi la CGT, dont elle n’a jamais raté une seule manifestation, et la CNL, Confédération Nationale du Logement, qu’elle préside localement. A ce poste, elle mène des actions très concrètes : mobiliser rapidement contre des expulsions, se battre pour le service public. Et elle obtient des résultats, comme cette famille de trois enfants, dont un handicapé, qu’elle a réussi avec ses camarades à reloger. Ce n’est pas encore la révolution mais preuve est faite que la lutte paie.
Corinne Bécourt a donc une vie bien remplie, à quoi il faut ajouter la présence d’un stand à la fête de l’Huma, l’organisation de la fête des Libertés à Saint-Quentin et la publication du journal « L’Eveil ». Elle est à la tête d’une section qui regroupe 253 adhérents parmi lesquels beaucoup de jeunes. Cette communiste révolutionnaire a le sens de la famille : « C’est le centre de ma vie : quel monde vais-je laisser à mes enfants et à mes petits-enfants ? Ma famille passe avant tout. » Avant même le Parti ? « Oui, mais le Parti est aussi une grande famille. » On croit avoir quitté le PC, on y revient.