« Le socialisme ou la mort » : discours de Fidel Castro, le 7 décembre 1989.

POSITION DE RESISTANCE ESSENTIELLE  POUR LA REVOLUTION, LE MOUVEMENT ANTI-IMPERIALISTE MONDIAL, LE MOUVEMENT COMMUNISTE INTERNATIONAL ALORS QUE LA CONTRE-REVOLUTION ET L’IDEOLOGIE CAPITALISTE TRIOMPHENT A L’EST.

Extrait du discours prononcé le 7 décembre 1989, au Cacahual, par le commandant en cher Fidel Castro Ruz, premier secrétaire du Comité central du Parti communiste de Cuba et président du Conseil d’Etat et des ministres de la République de Cuba lors de la cérémonie funèbre pour les combattants internationalistes cubains morts dans le cadre de missions militaires et civiles. (repris et recopié des archives PCF Paris 15 et F&A).

DOCUMENT:

« … Les centaines de milliers de Cubains qui ont rempli des missions internationalistes, qu’elles aient été militaires ou civiles, pourront toujours compter sur le respect des générations actuelles et futures. Ils ont multiplié bien des fois les glorieuses traditions combatives et internationalistes de notre peuple.

La patrie dans laquelle ils reviennent s’est lancée dans une lutte titanesque pour le développement, tout en continuant de faire face avec une dignité exemplaire à l’embargo de l’impérialisme, à quoi vient maintenant s’ajouter la crise qui a surgi dans le camp socialiste et dont notre pays ne peut attendre que des conséquences négatives, économiquement parlant.

Ce n’est pas précisément de la lutte anti-impérialiste ni des principes de l’internationalisme qu’on parle aujourd’hui dans la plupart de ces pays-là. Ces mots n’apparaissent même plus dans la presse. Ces concepts ont été virtuellement bannis du vocabulaire politique. En revanche, les valeurs capitalistes sont en train de prendre un essor inouï dans ces sociétés-là.

Or, le capitalisme veut dire : échange inégal aux dépens des peuples du tiers-monde ; exacerbation de l’égoïsme individuel et du chauvinisme national ; règne de l’irrationnel et de l’anarchie en matière d’investissements et de production ; sacrifice impitoyable des peuples sur l’autel de lois économiques aveugles ; loi du plus fort ; exploitation de l’homme par l’homme ; sauve-qui-peut. Le capitalisme entraîne bien autres choses sur le plan social : la prostitution, les drogues, le jeu, la mendicité, le chômage, des clivages ahurissants entre les citoyens, l’épuisement des ressources naturelles, l’empoisonnement de l’atmosphère, des océans, des fleuves, des forêts ; sans compter, surtout, le pillage des nations sous-développées par les pays industriels. S’il a signifié par le passé le colonialisme, il veut dire dans le présent la néo-colonisation de milliards d’êtres humains par des méthodes économiques et politiques plus sophistiquées, peut-être moins coûteuses, mais tout aussi efficaces et impitoyables.

CE N’EST PAS LE CAPITALISME – AVEC SON ECONOMIE DE MARCHE, SES VALEURS, SES CATEGORIES ET SES METHODES – QUI POURRA JAMAIS TIRER LE SOCIALISME DE SES DIFFICULTES ACTUELLES  et lui permettre d’amender les erreurs éventuelles. Une bonne partie de ses difficultés ne sont pas nées seulement de ces erreurs ; elles sont aussi issues de l’embargo rigoureux et de l’isolement auxquels ont été soumis les pays socialistes par les grandes puissances capitalistes qui monopolisaient quasiment toutes les richesses et toutes les techniques de pointe dans le monde, et ce grâce à la mise à sac des colonies, à l’exploitation de la classe ouvrière nationale et au vol massif des cerveaux dans les pays qui avaient encore à se développer.

Le capitalisme a déclenché des guerres dévastatrices – qui ont coûté des millions de vies et entraîné la destruction de la quasi totalité des moyens de production accumulés – contre le premier Etat socialiste, lequel a dû, tel le phénix, renaître plusieurs fois de ses cendres et a prêté à l’humanité des services tels que celui de renverser le fascisme et de promouvoir décisivement le mouvement de libération des pays encore colonisés. On veut aujourd’hui biffer tout cela d’un trait.

On se sent pris de répugnance à voir comment beaucoup se consacrent maintenant, en URSS même, à nier et à détruire la prouesse historique et les mérites extraordinaires de ce peuple héroïque.

Ce n’est pas là une manière de rectifier et d’amender les erreurs incontestables qu’a commises une révolution née des entrailles de l’autoritarisme tsariste, dans un immense pays, pauvre et en retard. On ne saurait maintenant vouloir faire payer à Lénine l’addition de la plus grande révolution de l’histoire dans la vieille Russie des tsars.

Voilà pourquoi nous n’avons pas hésité à interdire la circulation de différentes publications soviétiques qui étaient bourrées jusqu’à la gueule de venin contre l’URSS même et contre le socialisme. On perçoit, derrière, la main de l’impérialisme, de la réaction et de la contre-révolution. Certaines de ces publications ont même déjà commencé à réclamer la cessation des relations commerciales équitables et justes qui se sont nouées entre l’URSS et Cuba depuis la révolution chez nous. Bref, elles demandent que l’URSS commence à pratiquer avec Cuba l’échange inégal, en vendant toujours plus cher et en achetant toujours meilleur marché nos produits agricoles et nos matières premières, exactement ce que font les Etats-Unis vis-à-vis des pays du tiers monde, ou alors, à la limite, que l’URSS se joigne à l’embargo yankee contre Cuba.

La destruction systématique des valeurs socialistes et le travail de sape menés par l’impérialisme ont, de pair avec les erreurs commises, hâté la déstabilisation des pays socialistes d’Europe de l’Est.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que les Etats-Unis ont mis au point et pratiqué une stratégie consistant à mener une politique différenciée pour chaque pays et à miner le socialisme de l’intérieur.

L’impérialisme et les puissances capitalistes ne se tiennent plus de joie devant les événements. Ils sont convaincus, non sans raison, que le camp socialiste a virtuellement cessé d’exister. On trouve d’ores et déjà dans certains pays d’Europe de l’Est des équipes complètes de Nord-Américains, dont des conseillers du président des Etats-Unis, en train de planifier le développement capitaliste. Une dépêche de presse informait ces jours-ci que ces gens-là étaient fascinés par cette expérience excitante. L’un d’eux, un fonctionnaire du gouvernement nord-américain pour être précis, se disait partisan d’appliquer en Pologne un plan similaire au New Deal par lequel Roosevelt s’était efforcé de tempérer la grande crise du capitalisme, et ce en vue de secourir les 600.000 travailleurs polonais qui se retrouveront au chômage en 1990 et la moitié des 17.800.000 travailleurs du pays qui devront se recycler ou changer d’emploi par suite de la mise en place d’une économie de marché.

L’impérialisme et les puissances capitalistes de l’OTAN sont aussi persuadés, et non sans raison, que le pacte de Varsovie a cessé d’exister et n’est plus qu’une fiction; que des sociétés rongées et minées de l’intérieur seraient incapables de faire front.

On a dit qu’il fallait perfectionner le socialisme. Nul n’a rien à redire à ça, car c’est là un principe inhérent à toute œuvre humaine, depuis toujours. Mais est-ce donc en renonçant aux principes les plus élémentaires du marxisme-léninisme qu’on va perfectionner le socialisme?

Pourquoi les réformes doivent-elles donc s’orienter sur la voie capitaliste? Si, comme d’aucuns le prétendent, ces idées sont révolutionnaires, pourquoi sont-elles soutenues avec une si belle unanimité et avec une telle fougue par les dirigeants de l’impérialisme?

Le président des Etats-Unis s’est lui-même qualifié – insolite déclaration! – de meilleur défenseur des doctrines qu’on applique actuellement dans maints pays du camp socialiste.

Une idée vraiment révolutionnaire n’aurait jamais reçu le soutien enthousiaste du chef de l’empire le plus puissant, le plus agressif et le plus vorace qu’ait connu l’humanité ! …

La révolution ne s’importe pas, pas plus qu’elle ne s’exporte. Aucun Etat socialiste ne peut se fonder par insémination artificielle ou par simple greffe d’embryon. La révolution a besoin de conditions propices dans une société donnée, de sorte que seul chaque peuple peut en être le créateur. Ces idées ne sont pas en opposition avec la solidarité que les révolutionnaires peuvent et doivent s’offrir mutuellement. La révolution est aussi quelque chose qui peut avancer ou reculer, voire même échouer. Mais un communiste doit être avant tout courageux et révolutionnaire.

Le devoir des communistes est de lutter en toutes circonstances, si défavorables qu’elles soient. Les Communards surent lutter et mourir en défendant leurs idées. On n’amène pas sans combat les pavillons de la révolution et du socialisme.

Il n’y a que les lâches et ceux qui ont perdu le moral qui se rendent, pas les communistes et les révolutionnaires.

L’impérialisme invite maintenant les pays socialistes européens à devenir le réceptacle de ses capitaux excédentaires, à développer le capitalisme et à participer au pillage des pays du tiers monde.

Une bonne partie des richesses du monde capitaliste développé provient, on le sait, de l’échange inégal avec ces pays-là. Des siècles durant, on les a mis à sac à titre de simples colonies, on a réduit en esclavage des centaines de millions de leurs habitants, on a bien souvent épuisé leurs réserves d’or, d’argent et autres minerais, on les a exploités impitoyablement et on leur a imposé le sous-développement. Telle a été la conséquence la plus directe et la plus patente du colonialisme. On les saigne aujourd’hui à blanc par le biais d’une dette incommensurable et impossible à honorer, on leur arrache leurs produits de base à des prix de famine, on leur vend des produits finis toujours plus chers, on ne cesse de leur extorquer des ressources financières et humaines par la fuite des capitaux et le vol des cerveaux, on bloque leur commerce par le dumping, les tarifs douaniers, les contingentements des produits synthétiques de substitution nés d’une technologie de pointe et des produits qu’on subventionne quand ils en sont pas compétitifs.

L’impérialisme souhaite donc que les pays d’Europe de l’Est se joignent à ce pillage colossal, ce qui ne semble pas du tout déplaire aux théoriciens des réformes capitalistes. Voilà pourquoi dans nombre de ces pays-là, plus personne ne dit rien de la tragédie du tiers-monde et pourquoi on détourne les foules mécontentes vers le capitalisme et l’anticommunisme, voire, dans l’un d’eux, vers le pangermanisme. Ce cours des événements risque même de conduire à des courants fascistes.

Or, ce gouvernement impérialiste, qui exige que cesse toute solidarité avec les révolutionnaires salvadoriens, ne se gêne pas de son côté pour aider le gouvernement génocidaire de ce même pays et y dépêcher des unités spéciales de combat, pour soutenir la contre-révolution au Nicaragua, pour tramer des coups d’Etat contre le Panama et l’assassinat de ses dirigeants, pour appuyer militairement l’Unita en Angola, malgré les accords de paix dans le sud-ouest de l’Afrique, et pour continuer de livrer de grandes quantités d’armes aux rebelles afghans, sans faire le moindre cas du retrait des troupes soviétiques et des accords de Genève.

Tel est bien le rôle de gendarme que s’arrogent les Etats-Unis, non plus seulement vis-à-vis de l’Amérique Latine, qu’ils ont toujours considérée comme leur arrière-cour, mais face à tous les pays du tiers-monde.

L’établissement du droit d’ingérence universelle par une grande puissance représente la fin de l’indépendance et de la souveraineté dans le monde. Dans de telles circonstances, de quelle pais et de quelle sécurité, pourront bien bénéficier nos peuples, si ce n’est de celles qu’ils seront capables de conquérir par leur héroïsme ?

Qu’il serait beau que disparaissent les armes nucléaires ! S’il ne s’agissait pas là d’une utopie et si on y parvenait un jour, ce serait incontestablement bénéfique et renforcerait la sécurité, mais d’une partie de l’humanité seulement. Cela n’offrirait pas le moindre surcroît de paix, de sécurité ni d’espérance aux pays du tiers-monde.

L’impérialisme n’a pas besoin d’armes nucléaires pour attaquer nos peuples. Il lui suffit de ses puissantes flottes qui patrouillent dans toutes les mers, de ses bases militaires disséminées partout et de ses armes classiques, toujours plus sophistiquées et meurtrières, pour jouer son rôle de gendarme et de maître du monde.

N’oublions pas non plus que 40.000 enfants meurent chaque jour dans notre monde, alors qu’ils pourraient se sauver mais qu’ils ne le peuvent pas à cause du sous-développement et de la pauvreté. Comme je l’ai déjà dit, mais il n’est pas superflu de le répéter aujourd’hui, c’est comme si une bombe analogue à celle d’Hiroshima ou de Nagasaki éclatait tous les trois jouers parmi les enfants pauvres du monde !

Si on n’exige pas des Etats-Unis qu’ils renoncent à leurs conceptions, de quelle nouvelle pensée vient-on nous parler ? Le monde bipolaire que nous avons connu dans l’après-guerre se transformera inexorablement en un monde unipolaire sous l’hégémonie des Etats-Unis.

Ici, à Cuba, nous sommes en pleine rectification. Mais il est impossible de développer une révolution ou une rectification vraiment socialiste sans un parti fort, discipliné et respecté. Il n’est pas possible d’y parvenir en calomniant le socialisme, en détruisant les valeurs, en discréditant le parti, en démoralisant 1′avant-garde sociale, en renonçant à son rôle dirigeant, en semant partout le chaos et l’anarchie.

On peut promouvoir de la sorte une contre-révolution, mais pas des changements révolutionnaires.

L’impérialisme yankee pense que Cuba ne pourra pas résister et que la nouvelle conjoncture surgie dans le camp socialiste lui permettra inexorablement de faire plier notre révolution.

Or, Cuba n’est pas un pays où le socialisme est arrivé dans les fourgons de l’Armée rouge. Le socialisme à Cuba, ce sont les Cubains eux-mêmes qui l’ont façonné dans une lutte authentique et héroïque. Trente années de résistance au plus puissant empire de la terre qui a voulu détruire notre révolution attestent de notre force politique et morale.

Ce n’est pas une poignée de parvenus inexperts qui est à la tête du pays, ni de nouveaux venus aux postes dirigeants. Les dirigeants d’ici proviennent des rangs des vieux militants anti-impérialistes formés à l’école de Mella et de Guiteras; des rangs de La Moneada, du Granma, de la Sierra Maestra et de la lutte clandestine, de Playa Giron et de la Crise d’octobre (des fusées), au terme de trente ans de résistance héroïque à l’agression impérialiste, de grands exploits sur le plan du travail et de glorieuses missions internationalistes.

Des hommes et des femmes de trois générations de Cubains s’unissent et assument des responsabilités dans notre parti aguerri, dans l’organisation de notre merveilleuse jeunesse d’avant-garde, dans nos puissantes organisations de masse, dans nos glorieuses Forces armées révolutionnaires et dans notre ministère de l’intérieur.

A Cuba, la révolution, le socialisme et l’indépendance nationale sont indissolublement liés.

C’est à la révolution et au socialisme que nous devons d’être aujourd’hui ce que nous sommes. Si le capitalisme venait à s’implanter de nouveau à Cuba, c’en serait fini à jamais de notre indépendance et de notre souveraineté, nous ne serions plus qu’un prolongement de Miami, qu’un simple appendice de l’empire yankee, l’accomplissement de cette prophétie répugnante d’un président nord-américain du siècle passé, quand ce pays cherchait à annexer notre île, qui avait affirmé qu’elle tomberait entre ses mains comme un fruit mûr. Et bien, il y aura un peuple prêt à l’empêcher, aujourd’hui, demain et à jamais. C’est alors qu’il conviendrait de répéter devant sa propre tombe la phrase immortelle de Maceo: « Quiconque tente de s’emparer de Cuba ramassera la poussière de son sol baigné de sang, s’il ne périt dans la lutte. »

Les communistes cubains et les millions de révolutionnaires qui forment le gros de notre peuple héroïque et combattant sauront assumer le rôle que leur assigne l’histoire, non seulement comme premier Etat socialiste du continent, mais encore comme défenseurs inexpugnables, en première ligne, de la noble cause des humbles et des exploités de ce monde.

Nous n’avons jamais aspiré à ce qu’on nous confie en garde les glorieux drapeaux et les principes que le mouvement révolutionnaire a su défendre tout au long de sa belle et de son héroïque histoire, mais si le destin nous réservait de compter au nombre des derniers défenseurs du socialisme, dans un monde où l’empire yankee serait parvenu à incarner les rêves de domination du monde d’Hitler, nous saurions défendre ce bastion-ci jusqu’à la dernière goutte de notre sang.

Ces hommes et ces femmes que nous allons porter dans la terre chaleureuse qui les a vu naître sont morts au nom des valeurs les plus sacrées de notre histoire et de notre révolution.

Ils sont morts en luttant contre le colonialisme et le néo-colonialisme.

Ils sont morts en luttant contre le racisme et l’apartheid. Ils sont morts en luttant contre le pillage et l’exploitation des peuples du tiers-monde. Ils sont morts pour l’indépendance er la souveraineté des peuples. Ils sont morts en luttant pour le droit de tous les peuples de la terre au bien-être et au développement. Ils sont morts en luttant pour qu’i n’y ait plus d’affamés, de mendiants, de malades privés de médecin, d’enfants privés d’école, d’êtres humains privés de travail, de toit et de nourriture. Ils sont morts en luttant pour qu’il n’y ait plus ni d’oppresseurs ni d’opprimés, d’exploiteurs ni d’exploités. Ils sont morts en luttant pour la dignité et la liberté de tous les hommes.

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