Remise en cause des aides aux loisirs pour les enfants, transport, écoles, collèges, nous payons les conséquences de leurs choix.
Source : Aisne Nouvelle
Aisne : cure de désintox au Département
C’était le temps du bonheur retrouvé, du boom immobilier, qui deviendrait une « bulle », des prêts à tout-va et à qui en voulait, de la toute-puissance des banques. C’est le procès de cette époque révolue, paraît-il, que les conseillers départementaux ont fait ce lundi en session extraordinaire. « Pas celui de la précédente mandature », comme ont veillé à l’interdire les élus de la gauche, balayée du pouvoir en mars dernier.
Le nouveau président du Département a demandé – et facilement obtenu – l’autorisation de renégocier certains emprunts « à risque », contractés à la fin des années 90 ou au début des années 2000. Pour faire simple, une partie a déjà été renégociée par son prédécesseur, Yves Daudigny, en 2012 et 2015. Il reste à Nicolas Fricoteaux à « sécuriser » trois prêts « et demi », avec le Crédit agricole et surtout Dexia. Pour cela, le conseil départemental doit, avec l’aide du fonds de soutien créé par l’État après l’éclatement de la crise en 2008, contracter de nouveaux emprunts, à plus long terme, mais avec des taux fixes. Le tout pour un coût total de 60 millions d’euros.
Indexés sur le franc suisse
C’était cela ou bien continuer à payer des remboursements indexés sur le franc suisse, l’évolution de l’euro faisant actuellement s’envoler les taux. La difficulté, lundi, était d’obtenir l’aval du conseil départemental sans faire le procès de la majorité sortante, de gauche. Le tout à une semaine de débattre du budget 2016, lequel devra être voté par une majorité relative, de droite, ayant besoin de la gauche ou du Front national pour le faire passer.
Cela n’a pas empêché quelques esprits chagrins de poser des questions. « Jamais vous n’auriez fait cela pour votre propre foyer : contracter un emprunt sans savoir combien vous allez rembourser », relève « en bonne mère de famille » Pascale Gruny, sénatrice Les Républicains (LR), s’adressant aux bancs de la gauche. « C’est là que je ne comprends pas, finalement on a joué à la bourse… »
« On proposait des taux très bas, venant d’une banque spécialement créée pour aider les collectivités locales à investir, et avec la bénédiction de l’État », rappelle Bruno Beauvois, élu socialiste du canton de Château-Thierry.
« Dexia et SFIL [société de financement local] ont pour actionnaires majeurs l’État et la caisse des dépôts et consignation, confirme Franck Briffaut pour le Front national, constatant « le côté ubuesque de la situation ». « La Cour régionale des comptes n’y a rien vu, 5 000 collectivités locales se sont laissées prendre en France. On y est tous allé », déplore Michèle Fuselier, conseillère départementale socialiste de Château-Thierry.
« Tous », confirme Jean-Luc Lanouilh, le doyen de l’assemblée, élu depuis 1995. « À cette époque, je ne dirais pas qu’il y a eu un engouement à l’égard de Dexia, mais ça y ressemblait. Une confiance quasi a priori émanait de toutes les collectivités territoriales, quelle que soit leur couleur politique. Ici même, le président a été suivi par sa majorité et son opposition, dont d’éminents esprits, et d’ailleurs deux futurs ministres Xavier Bertrand et Renaud Dutreil, NDLR). Personne n’a élevé la voix pour formuler des réserves. »
L’Aisne figure parmi les onze départements contraints de neutraliser des emprunts à risque. Une épine de plus dans le pied d’une collectivité pauvre, constamment sous perfusion des aides de l’État et des caisses de péréquation.
« Tous dans la même galère »
Au bout de la chaîne, c’est bien le contribuable, même indirectement, qui va payer. « On est tous dans la même galère et il faudra bien s’en souvenir la semaine prochaine quand il s’agira de débattre du budget », résume Thomas Dudebout, élu LR saint-quentinois.
Car lundi 8 et mardi 9 février, les conseillers départementaux discuteront à bâtons rompus du budget 2016, avec chacun leur sensibilité. Y compris au travers de cette renégociation de prêts toxiques, la nouvelle majorité a soigneusement préparé le terrain à des coupes sombres dans les subventions. On sent poindre la frustration d’une collectivité sans le sou, qui n’a plus les moyens de faire rêver ses administrés.
Si le budget n’est pas voté
Le débat d’orientation budgétaire du conseil départemental a lieu le 8 février, le vote du budget les 4 et 5 avril. En cas de blocage politique, le préfet saisit la Chambre Régionale des Comptes, qui examine le budget concerné. Celle-ci a un mois pour donner son avis et faire des propositions d’ajustement, suggérer des réductions de dépenses ou d’augmentation de recettes.
Le préfet peut à son tour retoucher ces propositions, en les justifiant. La procédure vise d’abord à maintenir le fonctionnement de l’institution et des services publics, assurant le versement des salaires des agents de la collectivité. Dans un cas extrême, si le conseil départemental ne parvient pas à voter son budget, le préfet peut demander sa dissolution. Et commander ainsi de nouvelles élections.