Par Corinne BECOURT, Secrétaire de la section du PCF de Saint-Quentin, corinnebecourt@hotmail.fr, 19 mars 2016
Je fais partie des communistes qui ont décidé de rédiger et de déposer le texte alternatif pour le 37ème congrès du PCF qui s’intitulera « PCF : Reconstruisons le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes ».
Par la présente, notamment pour les camarades qui sont assaillis de mails, plus ou moins clairs, de provenance diverse, je veux indiquer ce qu’est notre démarche et ce qu’elle n’est pas.
D’abord, pour moi et les autres « initiateurs », pas plus pour ce congrès du PCF que pour les précédents, déposer un texte alternatif ne coule de source.
La transformation totale du mode d’organisation des congrès du Parti, imposée par la direction à partir de 2002, ne correspond pas à notre conception d’un congrès d’un parti communiste ou même d’un parti un tant soit peu démocratique. La formule est bâtarde et biaisée. Bâtarde, parce que les textes, induisant une logique de tendances, ne sont pas des motions mais des « propositions de base commune de discussion pour le congrès ». Biaisée, parce que le texte de la direction bénéficie de sa légitimité et de la publicité générale, par tous les moyens à sa disposition, pendant des semaines, alors que les communistes n’auront que quelques jours pour prendre connaissance des autres textes, noyés dans le document de la direction. Biaisée encore, parce que la signature, les discussions et les votes des textes « alternatifs » sont laissés au bon vouloir démocratique des dirigeants départementaux et nationaux.
Ceci étant dit, nous avons décidé, malgré tout, de rédiger et de déposer un texte. Pour trois raisons.
1- Parce que le texte retenu par le Conseil national des 5 et 6 mars 2016 est écrit de façon verbeuse, fumeuse et hors du temps afin de multiplier les diversions, d’esquiver les questions stratégiques principales, d’évacuer le bilan accablant des dernières années pour le Parti et pour sa (non)contribution aux luttes. Cela pour mieux continuer dans la voie de l’extinction du Parti et des positions communistes. Leur texte est inacceptable.
2- Parce que nous pouvons utiliser l’outil du texte alternatif de congrès, parmi d’autres, pour forcer le débat, faire grandir la nécessité d’une rupture avec la stratégie de liquidation réformiste qui mène le PCF, maintenant à travers les primaires, vers une absorption dans une social-démocratie-bis. Nous voulons faire connaître dans et hors du parti l’existence de communistes, de plus en plus nombreux, qui se dressent contre cette perspective et qui continuent, 100 ans après, à se reconnaître dans la fécondité de la Révolution d’Octobre.
3- Parce que le texte alternatif de congrès et sa diffusion volontariste maximale sera aussi un outil pour aider à la reconstitution d’organisations de base du PCF, en lien avec les travailleurs et leurs luttes, dans une perspective de reconstruction nationale du Parti de classe.
Ces dernières semaines, pendant la campagne pour la législative partielle à Saint-Quentin, j’ai été frappée par toutes ces personnes rencontrées, souvent en grande détresse matérielle, partageant nos analyses parfois précisément, mais pour lesquelles le vote communiste est devenu insolite tant notre parti nationalement (et départementalement) a disparu en se confondant avec le système, avec le grenouillage politicien et avec la social-démocratie. Pour l’avenir du pays, le PCF ne peut pas être un parti comme les autres.
Voilà résumés les objectifs de notre démarche. Elle est donc différente de la simple diffusion d’une tribune critique dans le parti à l’occasion du congrès. C’est une démarche de mobilisation des communistes. Elle rentre en contradiction avec l’esprit même de l’organisation du congrès par la direction en place. Il n’est pas question pour nous d’être une opposition de témoignage validant le scénario de la direction.
C’est ce que nous avons expliqué à Paul Barbazange, secrétaire de la section de Béziers, qui est venu à la réunion « à chaud » que nous avions convoquée le 6 mars juste après le CN. C’est peu dire que nous avons éconduit ses propositions.
Au nom d’un collectif de personnalités (dont Danielle Bleitrach, Marie-Christine Burricand, Jean-Jacques Karman et Hervé Poly – nous dirons BBBKP pour simplifier par la suite), Paul nous a proposé de nous inscrire dans une opération « unitaire » réunissant tous ceux qui pourraient se réclamer, le temps de la préparation du congrès, d’une certaine opposition à la ligne de la direction. Comme base, il nous a lu un texte, plus petit dénominateur de cette « unité » sans fond.
Paul nous a annoncé que la démarche BBBKP s’adressait aussi aux trotskystes du groupuscule « Riposte » qui fait de l’entrisme depuis un temps dans le PCF, après l’avoir fait dans le PS. Certains camarades, en bondissant, lui ont signifié combien cette seule démarche rendait rédhibitoire toute son offre.
Avec d’autres camarades, je lui ai répondu que notre démarche ne pouvait pas se concevoir comme une démarche électoraliste au sein du parti lui-même, comme un vague « rassemblement » momentané de personnes et de groupes qui entendent valoriser ensuite, d’une façon ou d’une autre, leur posture oppositionnelle. Nous ne sommes ni trotskystes, ni socio-démocrates, désolée, Paul !
L’expérience de la démarche BBBKP parle d’elle-même depuis des années. Pardon de citer les noms.
Le positionnement de Jean-Jacques Karman sert à son rapprochement – affiché – avec le Parti ouvrier indépendant des travailleurs (POI, ex-PT). Nous n’en voulons pas. Le positionnement de la section de Vénissieux de Marie-Christine Burricand, pour préserver, certes, la municipalité, s’est accompagné d’une acceptation et d’une défense des positions scandaleuses anti-immigrés, reprenant et aggravant Chirac sur le « bruit et les odeurs », du député-maire honoraire André Gerin (précurseur de Valls ?). Tous sont rentrés dans le jeu de la direction en défendant, en toute connaissance de cause, la pseudo-candidature d’André Chassaigne pour les présidentielles de 2012, sachant qu’elle ne servait qu’à faire passer celle de Mélenchon et à confondre la défense de l’identité du parti avec les positionnements ultra-réformistes de Chassaigne. En 2014, Chassaigne, député, allait accompagner la « réforme ferroviaire » du PS et la dissolution de la SNCF, avant d’applaudir l’état d’urgence de Hollande en novembre dernier… Tous ont ensuite, plus ou moins, fait campagne, en toute connaissance de cause encore, pour Mélenchon, jusqu’à accepter, certes sous la pression de Pierre Laurent, de lui céder la place face au FN, funestement, aux législatives dans le Pas-de-Calais.
Paul Barbazange est venu à notre rencontre. Nous l’en remercions. Cela a permis la clarification. Car sa gestion de la section de Béziers est exemplaire des positionnements et calculs dont nous ne voulons pas.
En 2012, finalement, il déclare aux médias qu’il milite « avec enthousiasme » pour Mélenchon, estimant retrouver le dynamisme de la campagne Marchais en 1981 ( !). J’en passe pour arriver à 2015. Janvier 2015, la section de Béziers, en toute connaissance de cause, et alertée par le KKE, organise un rassemblement de soutien à Syriza qui commençait à trahir le peuple grec et les progressistes européens. En septembre 2015, elle choisit comme « invité d’honneur » de la fête de la Plantade, Pierre Laurent. Quand Pierre Laurent vient à Saint-Quentin, ce n’est pas pour défendre les actions de la section du PCF, mais pour les contrer !! En décembre 2015, la section de Béziers fait élire aux élections régionales, en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, le camarade Nicolas Cossange sur les listes PS-Gauche au deuxième tour, après l’avoir placé sur la liste EELV-FdG au premier. La liste EELV-FdG était conduite par Gérard Onesta, maastrichien notoire, co-rédacteur avec Giscard du projet de « constitution européenne » en 2005. Cette liste est la préfiguration, voulue nationalement par Marie-Pierre Vieu et Pierre Laurent, de la dissolution du Parti dans une nouvelle social-démocratie pro-UE. Depuis, la section Barbazange a choisi que Nicolas Cossange siègerait dans le groupe « Nouveau monde » à la région, derrière Onesta. Pour leur part, les élus PCF de Haute-Garonne ont refusé et siègent, eux, parmi les non-inscrits…
Je n‘en rajoute pas. On a le droit de se tromper et de changer d’avis. Beaucoup de camarades ont pu être séduits par le FdG ou Mélenchon faute d’autre chose. Mais à chaque fois, depuis des années que nous nous connaissons, Paul Barbazange m’explique qu’il est conscient de toutes les réalités mais que sa démarche, c’est d’être malin et de « faire de la politique ». Moins maligne et plus communiste, je pense que c’est simplement de l’opportunisme et que c’est lamentable.
Cette lettre sera la première et la dernière expression de notre part sur la démarche BBBKP d’ici le congrès. Car nous avons bien d’autres choses à faire, à commencer par préparer la mobilisation convergente salariés, jeunes, cheminots, fonctionnaires du 31 mars d’abord, et par finir de rédiger et de propager notre option pour le PCF :
« Reconstruisons le Parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes ».
Fraternellement,
Corinne Bécourt