EDT pour Pcf Paris 15, 7 novembre 2014
Presque 30% à l’audimat, 7,9 millions de téléspectateurs, pour une émission politique : TF1 a réussi son coup. On sait que sur TF1, ce n’est pas la qualité du programme qui compte mais l’audience et la satisfaction des producteurs.
Les coproducteurs, Elysée, Medef et UE ont toutes les raisons d’être contents d’eux. Leur objectif est de continuer à anesthésier la colère et le rejet populaire de la politiquement violemment antisociale poursuivie depuis 2012. L’interview télévisée d’hier s’est parfaitement inscrite dans cette stratégie politique.
François Hollande n’a annoncé aucun infléchissement de sa politique. Au contraire, il a, à nouveau, mis en avant le « pacte de responsabilité » comme remède universel, la réduction des « déficits », mais en même temps les cadeaux au profit des entreprises qui les creusent, comme ses axes directeurs. De nouvelles coupes dans le financement de la Sécurité sociale, avec encore des baisses de cotisations patronales, l’extension du travail du dimanche, du travail sponsorisé par la collectivité au service du patronat (contrats « d’avenir », service « civique » : les quelques nouveautés se situent dans la continuité. A Manuel Valls le soin de mettre en œuvre le pire et le non-dit.
Mais ces graves orientations de fond ont été bien diluées dans l’émission. Hollande n’a guère eu besoin de se justifier, sur rien, avec des interlocuteurs si complaisants.
Comme dans la plupart des programmes de prime-time de TF1, la qualité des dialogues étaient affligeantes. Le personnage principal est apparu comme un looser. Mais en cela, l’acteur Hollande ne cesse de progresser dans son rôle de punching ball. Il absorbe parfaitement les coups et désole les Français en colère. Il ne laisse aucune illusion sur son départ de l’Elysée en 2017, les laissant patienter dans la résignation jusqu’aux prochaines élections générales.
Le premier journaliste à interviewer le Président, à l’heure de la plus grande audience, a placé le niveau politique au plus bas : pratique du scooter, vie privée et psychologie de comptoir. Hollande s’est plié à ce jeu humiliant sans faire de problème.
Il a adopté la même posture de faiblesse devant les attaques des quatre personnes « normales », soigneusement choisies dans la « société civile » par TF1. Il ne les a pas contredites. Ils se sont trouvés en accord sur le principal, sur leur « bonne volonté » commune. Avec la première, Hollande a pu placer sa seule intention un peu sociale : un aménagement du chômage des 60/62 ans avant la retraite. Avec les trois suivantes, imprégnées des valeurs patronales mais jouant – mal – leur rôle, mal répété, de gens normaux, il a partagé tous les poncifs de l’idéologie dominante du patronat. Et le coût du travail qui est trop élevé pour l’emploi et l’initiative individuelle, et les pays étrangers où ça se passe bien mieux qu’en France !
Si Hollande est apparu peu à son avantage, la mise en scène de cet échange avec le « peuple » a surtout visé à illustrer un consensus sur les présupposés politiques et économiques du patronat.
Pour une émission similaire, il y a quelques années, à l’occasion du mi-mandat de Sarkozy, les journalistes avaient fait autrement et invité des éléments revendicatifs, syndiqués (certes gauchistes). A l’époque, il s’agissait de canaliser la colère vers la « gauche » d’alternance avant 2012. Là, au mi-mandat de Hollande, il s’agit pour les tenants de l’idéologie dominante de décourager la révolte ou de dévoyer la colère vers la droite d’ici 2017.
Dans l’émission d’hier, le journaliste de droite Yves Calvi a été le plus agressif, promouvant les mesures que les Sarkozy, Juppé et Fillon promettent pour enfoncer encore plus les travailleurs après 2017 sur la base du sombre bilan que laissera la « gauche » d’alternance. Il n’y a que face à lui que Hollande s’est montré énergique et a pris quelques accents de gauche (sans guillemets). « La dépense publique, c’est aussi l’école et la santé » : dans cette émission, ce simple rappel fait passer l’intervenant pour de « gauche » !
La droite comme perspective de changement institutionnel en 2017, mais aussi l’extrême-droite. Hollande joue le jeu du repoussoir politicien du FN plus que jamais. Il s’est évertué, une nouvelle fois, toujours sous son ton lénifiant, à assimiler le rejet de l’Union européenne – cette évidence pour une majorité des classes travailleuses – à une position du FN.
Aucun calcul politicien, et des plus sombres, n’aura été épargné aux téléspectateurs. Hollande a pris soin de réduire Valls dans les mots à un exécutant de sa politique à lui pour lui préserver une position pour 2017. Il a été peu disert sur les « frondeurs » du PS: c’est la cartouche suivante. Pour l’instant, c’est bien, pour Hollande, que la « gauche de la gauche » se concentre sur la question – hors classe – du barrage de Sivens après le drame de la mort du jeune manifestant.
La politique version TF1, version Hollande, c’est bien la politique atone, débarrassée de cette horreur qu’est la lutte des classes ! La lutte des classes pourrait pourtant soutenir les audiences mais moins les dividendes des actionnaires de la chaîne.
Mais c’est à nous de l’animer !