La vigueur et la détermination des grévistes en juin contre la « réforme ferroviaire » a changé la donne.
Le gouvernement et la direction de la SNCF avaient compté sur un mouvement social symbolique pour passer en force, et en douce. Derrière quelques concessions de façade au Parlement, ils espéraient masquer la réalité de leur projet.
La grève, au contraire, a mis en évidence la dissolution de la SNCF historique en vue de son éclatement et le lien avec la dégradation des conditions de travail et du service public, y compris avec les dysfonctionnements aberrants comme les rames de TER trop larges et même indirectement avec les dramatiques accidents récents. Dans le monde du travail, dans les autres services publics, les cheminots sont apparus à nouveau comme un point d’appui pour la lutte.
Aujourd’hui, la direction et le gouvernement poursuivent leur stratégie de passage en force, en s’appuyant sur la levée des entraves juridiques à leur politique de privatisation avec la « réforme ». Mais il n’est pas si facile d’exploser une entreprise intégrée, aux activités imbriquées depuis 77 ans.
Les nouvelles annonces de suppressions d’emploi – 2000 pour 2015 -, la hausse brutale de 2,8% des tarifs passent très mal dans l’opinion, alors que des lignes, des gares, des guichets ferment. Au point que la ministre Ségolène Royal s’est émue à la télévision de la décision que son propre ministère a validée !
Dans la suite de la grève, les cheminots, avec leurs syndicats de lutte, s’opposent pied à pied aux dispositions précises d’éclatement de la SNCF.S’appuyant sur les contradictions entre les proclamations hypocrites de la loi et les faits, ils se battent notamment pour que le « socle commun » reprennent les acquis du statut SNCF abrogé.
Ces batailles sont décisives pour défendre les acquis sociaux mais elles s’inscrivent aussi dans l’objectif de défense du service public nationalisé du rail. Même entamé, il continue à exister dans les faits et dans les têtes. Il n’y a pas de raison d’en faire le deuil comme les directions et la propagande gouvernementale y poussent. A l’inverse, de larges convergences existent pour le défendre et le reconquérir. C’est cela aussi qu’a montré la grève de juin.
Elle a clarifié les positionnements de chacun, levé heureusement des confusions. La duplicité des syndicats de collaboration de classe est apparue au grand jour.
Du côté politique, il n’y a plus aucune illusion à se faire sur un changement de politique électoral à « gauche ». La grève a amené les députés PS « frondeurs » ou « écologistes » à se démasquer. Ils ont voté comme un seul homme la casse de la SNCF. Dans les régions – on vote en novembre 2015 après la dangereuse « réforme territoriale » -, les exécutifs de « gauche » rentrent dans la logique des appels d’offres et de la mise en concurrence. Ils cautionnent la suppression des contrôleurs dans les TER. Dès le lendemain de la grève de juin, des actions rassembleuses repartaient pour leur maintien.
Non, les convergences se situent ailleurs : des convergences d’intérêts chez tous les cheminots, des convergences avec les travailleurs des autres services publics, à commencer par ceux du transport, des convergences avec les usagers et les populations.
Il s’en est fallu de quelques jours pour que la grève de juin fasse jonction avec la journée d’action interprofessionnelle contre le « pacte de responsabilité ». En novembre, une journée d’action commune des salariés du transport a été organisée. La direction de la RATP, dans la même stratégie de concurrence et privatisation, s’attaque aux rythmes de travail, exactement dans les mêmes termes qu’à la SNCF. Les mouvements d’usagers se multiplient, s’organisent contre la réduction de l’offre de transport ferroviaire, la désertification de régions entières. Le lien est évident avec les dizaines de luttes locales pour La Poste.
Ce 29 janvier, les électriciens et gaziers, en lutte contre le projet de loi soi-disant de « transition énergétique » rejoindront la manifestation des cheminots.
Toutes ces forces ensemble sont considérables !
Au plan international, les cheminots suédois, belges, puis allemands se sont mobilisés ces derniers mois, dans des grèves fortes, contre le même processus de privatisation. Les cheminots britanniques, avec leur syndicat RMT, gagnent du terrain sur leur revendication de renationalisation du rail (sur un champ de ruines dans le pays précurseur de la « libéralisation »).
Pour nous communistes, la question n’est pas de négocier à Bruxelles avec les autorités de l’Union européenne un accompagnement concerté de la politique de casse sociale portée par les directives de mises en concurrence des 4 « paquets ferroviaires ». La question est de s’appuyer sur les résistances des travailleurs de chaque pays, confrontés au même processus, mais un stade très différent, pour gagner en France le rejet de l’application des directives et règlements européens.
Communistes, cheminots ou salariés d’autres entreprises, jeunes ou retraités, nous avons soutenu entièrement la grève de juin, porteuse d’une alternative politique. Nous soutenons plus que jamais les revendications des cheminots qui rentrent dans la perspective pour laquelle nous voulons nous battre ensemble :
La défense, la reconquête et l’extension des monopoles publics des transports !