EDT, vivelepcf.fr, 10 novembre 2014
Une petite phrase dans les propos de François Hollande sur TF1 le 6 novembre prépare le terrain : « Le CICE sera transféré en 2017 en baisse de cotisations sociales pérennes ». Elle doit alerter.
Le « Crédit d’impôt compétitivité » est le plus gros transfert vers le patronat et le capital contenu dans le « Pacte de responsabilité » : 20 milliards d’euros par an. Mais, prenant la forme d’un transfert direct des caisses de l’Etat vers celles des entreprises, il est peu défendable politiquement. Il s’intègre mal dans la propagande sur la baisse des « coûts des entreprises ». Le Medef, bien content de toucher la manne, s’est même permis de faire la fine bouche. Il préfère du plus fondamental, du plus durable : la poursuite de l’élimination de la part socialisée du salaire, les cotisations sociales, qu’il a dû concéder historiquement pour financer la Sécurité sociale.
Une nouvelle fois, Hollande rassure les patrons. Le CICE, c’est du provisoire, rien qu’une étape pour mieux préparer la nouvelle charge contre le financement de la Sécurité sociale.
Défenseurs de la Sécurité sociale, nous constatons, dans ce contexte, qu’une des pires contre-réformes structurelles promises par Hollande avant 2012 n’a pas encore été programmée et reste en attente: la fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu. Elle retirerait à la CSG, pour les salariés actifs, tout le lien restant avec le salaire, tel qu’il apparaît encore sur la fiche de paye (en pleine refonte aussi et pas par hasard). Le processus de déconnexion de la CSG de l’entreprise, de fiscalisation franchirait une nouvelle étape.
Nous avons aussi une longue expérience de la répartition des rôles, entre gouvernements de droite et de « gauche » successifs, dans le démantèlement de la Sécurité sociale. Il est bon de la rappeler à cette occasion.
La droite s’attaque davantage aux prestations, comme la durée de cotisation ou la retraite à 60 ans, « marqueurs » de gauche. La « gauche » s’attaque davantage au financement – sauf pour les allocations familiales où elle s’en prend à la fois aux cotisations patronales et aux droits des familles. La « défense » – sur un fond réactionnaire – de la famille est laissée à la démagogie électorale de la droite.
C’est la « gauche » avec Rocard qui a créé la CSG. C’est la « gauche plurielle » avec Jospin qui a lancé en grand le scandale des exonérations de cotisations sociales patronales au nom de « l’emploi ». Elle l’a fait avec les lois Aubry prétendument sur les 35 heures qui ont fait cadeau, par an depuis 2000, de 20 milliards d’euros aux patrons. Fillon n’a eu qu’à compléter.
A nouveau, il nous faut dénoncer la propagande déguisant les lois Aubry en acquis social « historique ». La durée moyenne du temps travail en 2013, pour les salariés à temps plein, atteint toujours 39,2 heures. La droite est revenue sur une grande partie des quelques avantages sociaux accordés, notamment en « assouplissant » les heures supplémentaires.
Naturellement, nous serons les premiers à défendre ce qui reste des RTT. Mais cela ne nous empêchera pas de dire clairement que les lois Aubry, derrière l’hypocrisie gagnant-gagnant, se sont résumées à un formidable cadeau au patronat : annualisation du temps de travail, « flexibilité », « modération salariale » et exonération sans précédent de cotisations sociales aux dépens du salaire socialisé, de la Sécurité sociale.
Aujourd’hui, Hollande prépare le terrain à une déstructuration profonde du financement de la sécurité sociale. Il est missionné pour cela par le Medef et l’Union européenne. Y arrivera-t-il avant la fin du quinquennat ? C’est peu probable avec un Valls qui s’apprête à le rejoindre dans l’impopularité quand il aura fait passer le « pacte de responsabilité » et la « réforme » territoriale. Valls, trop marqué à droite, n’est de toute façon pas à même de tromper et d’anesthésier les travailleurs et les syndicats sur un sujet comme la Sécurité sociale. Mais une équipe de rechange est déjà sur les rangs : les « PS frondeurs », avec ou sans Martine Aubry, mais dans l’esprit de ses œuvres.
La fusion CSG/Impôt sur le revenu est le fer de lance de ces « frondeurs ». Ils ont trouvé comment lui donner un semblant de couleur de « gauche ». Ils parlent de « justice sociale », d’une fiscalité plus progressive. Nous refusons de nous laisser tromper ! Ce n’est que baume pour mieux faire passer cette contre-réforme fondamentale, couplée avec la pérennisation du CICE en exonérations de cotisations sociales patronales. De retour aux affaires après 2017, la droite n’aura plus qu’à enlever les quelques mesures d’accompagnement et de maquillage…
Pour nous communistes, ces questions représentent des luttes primordiales. Si les dures répercussions sur l’hôpital, le droit à la retraite, le pouvoir d’achat des retraités et des familles sont très concrètes, le processus de casse du système lui-même paraît souvent technique. D’autant plus que la notion de salaire socialisé est de plus en plus oubliée (la « simplification » de la fiche de paye est pensée pour y contribuer). D’autant plus encore que l’idéologie dominante noie dans la plus grande confusion l’enjeu, notamment avec sa propagande sur l’emploi et les « coûts » des entreprises.
Aussi, nous poursuivons et intensifions nos batailles pour l’accès aux soins, l’hôpital public, les retraités, les familles en les liant systématiquement aux questions de financement.
Les mobilisations fortes ces dernières années peuvent et doivent converger dans une lutte frontale contre la nouvelle étape gravissime programmée du démantèlement du système solidaire de financement de la Sécurité sociale, pour son rétablissement plein et entier.