Conseil municipal de la ville de Saint-Quentin du 14 avril 2014, intervention d’Olivier Tournay, conseiller municipal PCF.
« Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les conseillers municipaux.
Je souhaitais interpeller le conseil municipal sur l’arrêté portant décisions d’implantation et de retrait d’emplois d’enseignant du 1er degré pour la rentrée 2014, plus communément appelé « mesures de carte scolaire ».
Pour Saint-Quentin, voilà l’état des lieux.
Pour les postes classes, 2 fermetures en préélémentaires (Camille Desmoulins et Alfred Clin), 1 fermeture en primaire à Lyon Jumentier. Il y aura deux ouvertures[1], auxquelles je souscris. Pour être complet, la fusion des Patriotes et d’Ozenfant (je n’aimerai pas y être directeur en cas d’accident, les deux écoles étant éloignées de 150 m !) la fermeture d’un demi poste en établissement spécialisé et 2 postes en plus en surnuméraire[2].
Au final, pour Saint-Quentin, c’est un demi poste en plus pour l’an prochain mais c’est encore 3 classes qui ferment, et au plan comptable, 1 classe de moins. Avoir des postes supplémentaires (du surnuméraire), c’est très bien, sauf qu’ils sont pris sur les effectifs classes. Se retrouver avec des cas où il y a 30 élèves par classe, cela n’a aucun sens, surtout que les professeurs des écoles ont pour mission de personnaliser et de différencier leurs enseignements.
Au lieu de se donner une chance d’avoir des classes moins chargées, on préfère se dire que 30 élèves en primaire ou en maternelle hors ZEP par classe, permettent d’enseigner dans de bonnes conditions. Alors oui, on peut feindre d’ignorer que la réussite scolaire est aussi fonction du nombre d’élèves par classe. Théorie sûrement pour vous, aussi je vous en renvoie aux travaux de l’économiste Thomas Piketty[3], dont les conclusions de cette étude sont accessibles sur le site de l’Education Nationale). Moins d’élèves par classe pour de meilleurs acquis, ce n’est pas une vue de l’esprit. Si l’on regarde le classement PISA (Programme International de Suivi des Acquis), qui émane de l’OCDE, organisme peu révolutionnaire vous me l’accorderez, la Finlande (bien mieux classée que la France) est un des pays où les inégalités sont le mieux corrigées par l’éducation : chez les 3-6 ans, c’est 21 enfants maximum par classe, avec 2 professeurs. Et en primaire, la norme est de 20 élèves par classe.
Qu’on le veuille ou non, Saint-Quentin est une ville qui se paupérise, où en moyenne 20% de la population est sortie du système scolaire avant la 3e. Cela doit nous alarmer. Il faut en finir avec la logique comptable qui ne fait qu’augmenter le nombre d’élèves par classe. Pour mémoire, à Saint-Quentin, c’est une trentaine de postes supprimés et 3 écoles fermées depuis 2007, s’inscrivant dans les mesures du quinquennat de Nicolas Sarkozy : 77 000 postes en moins dans l’éducation nationale, mesures que vous avez votées monsieur le Maire. Le compte n’y est pas pour autant avec les gouvernements Ayrault-Valls. On s’éloigne de plus en plus de la promesse d’embauche de 60 000 enseignants, à peine 7000 depuis 2012. En plus du pacte de responsabilité et du CICE, on s’apprête à tailler 50 milliards dans le Service Public pour mieux défiscaliser les entreprises.
A Saint-Quentin, comme ailleurs, au lieu de fermer des postes, qu’est-il nécessaire de faire ?
– Faire en sorte que l’école maternelle soit de nouveau accessible à tous dès deux ans, comme le dispose le Code de l’Education[4] qui prévoit que « l’accueil des enfant de deux ans [soit] étendu en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisée », la démonstration a été faite que c’est largement le cas à Saint-Quentin.
Code de l’éducation qui prévoit aussi que »les enfants qui ont atteint l’âge de deux ans au jour de la rentrée scolaire peuvent être admis dans les écoles et les classes maternelles dans la limite des places disponibles ». En fermant des postes, on fait tout le contraire. Le taux de scolarisation des moins de 3 ans est extrêmement faible alors qu’elle permet justement d’éviter les redoublements à l’école primaire, surtout pour les milieux défavorisés. En définitive, plus on ferme en maternelle, moins on peut scolariser les enfants de moins de 3 ans.
Pour finir, assez des délibérations sur l’enseignement pour se donner bonne conscience. Les tableaux numériques, les tablettes en classe, pourquoi pas. Mais cela ne résout rien, pour preuve, il y a une quinzaine d’années, a été votée une délibération ici même permettant l’achat d’un parc informatique très important à destination des écoles et qui devait être déterminant pour l’avenir des élèves. Ce n’est pas le cas !
Ce dont Saint-Quentin a besoin, c’est de classes qui ne ferment pas. Et c’était d’ailleurs la position de votre majorité jusqu’en 2002, qui s’opposait systématiquement à toute fermeture.
Exemple du compte rendu de la séance du 25 février 2002 : « les difficultés des enfants […] justifient non seulement le maintien de tous les postes mais plus encore des créations de postes en faveur […] des élèves en difficultés. C’est ainsi et seulement ainsi que le retard scolaire de la Picardie, par rapport à la moyenne nationale, sera comblé.
C’est pourquoi le Conseil Municipal se prononce contre la fermeture de postes proposée par l’Inspecteur d’Académie et demande la création de postes de soutien supplémentaires pour assurer l’indispensable rééquilibre national. »
Délibération votée à l’époque à l’unanimité.
Je vous propose donc ce soir de mettre au vote cette motion.
Motion :
A l’adresse de Monsieur l’Inspecteur d’Académie, de Monsieur le Recteur et de Monsieur le Ministre de l’Education Nationale.
Vous n’êtes pas sans connaître les conséquences scolaires des difficultés sociales des élèves. La situation à Saint-Quentin est de ce point de vue particulièrement alarmante. C’est pourquoi, nous attirons votre attention sur les mesures de carte scolaire qui risquent de compromettre l’avenir de nos enfants.
Les élèves de deux ans doivent être accueillis à l’école maternelle dans des conditions acceptables.
Les effectifs de classe doivent permettre la réussite de tous les élèves.
Nous vous demandons par conséquent de réexaminer l’ensemble des mesures de carte scolaire à Saint-Quentin, de ne pas fermer de classe lorsqu’elles sont nécessaires à l’accueil des 2 ans et de donner tous les moyens nécessaires en terme de postes à Saint-Quentin.
En d’autres termes, aucune fermeture de classe à Saint-Quentin.
Merci de votre attention. »
[1] 1 ouverture à Ernest Lavisse en élémentaire, 1 ouverture en primaire à Pierre Laroche
[2] 2 implantations de postes « plus de maîtres que de classes », 3 retraits de postes d’enseignants en appui, 3 implantations de postes REP +
[3] L’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire dans les écoles, collèges et lycées français –
Les dossiers évaluations et statistiques – Thomas Piketty et Mathieu Valdenaire (École des hautes études en sciences sociales) – N°173 – mars 2006
[4] art L113-1