Cet article a été rédigé à l’origine par Corinne Bécourt pour le journal l’Éveil de juin 2025. Il n’a malheureusement pas pu être publié dans la version papier.
En cette année du 80ᵉ anniversaire de la création de la Sécurité sociale, plus que jamais il convient de se battre pour le financement par la cotisation sociale de ce système extraordinaire créé en 1945 qui nous est envié par tant de pays. Car ce « salaire socialisé » assure en effet le lien entre la création de richesse par les travailleurs et la réponse à un besoin humain essentiel : le droit d’être soigné au mieux du progrès médical, loin des intérêts des financiers et des trusts. Comme le disait si bien Ambroise Croizat en 1946 : « Notre Sécurité sociale est la seule création de richesse sans capital. La seule qui ne va pas dans la poche des actionnaires mais est directement investie pour le bien-être de nos citoyens. Faire appel au budget des contribuables pour la financer serait subordonner l’efficacité de la politique sociale à des considérations purement financières. Ce que nous refusons ».
C’est pour la défense de ce système que le personnel de l’Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EPHAD) Victor Hugo de Saint-Quentin s’est mobilisé à l’appel de la CGT. Les soignants revendiquent en effet des conditions décentes afin d’exercer leurs missions auprès des personnes âgées dont ils ont la charge. A l’heure actuelle, la moyenne d’âge des résidents en EHPAD est proche des 85 ans et ils sont souvent atteints de polypathologies. Or, seuls quatre agents sont présents le matin pour s’occuper de la toilette de ces soixante-dix résidents. Le bain, la douche, l’hygiène dentaire et capillaire ainsi que la courte discussion avec eux sont donc expédiés en cinq minutes, d’où l’expression utilisée dans le milieu hospitalier « tête/mains/culs » pour désigner cette toilette, ce qui en dit long.
Il s’agit là d’une maltraitance institutionnelle présente dans toutes ces structures d’accueil à l’échelle du pays, sans compter que la part de la charge des résidents aux familles est de plus en plus importante, augmentant de 5 à 6 % par an. La CGT des hospitaliers de Saint-Quentin réclame donc en urgence du personnel supplémentaire afin de soigner dignement nos aînés – six soignants le matin et quatre l’après-midi – ainsi qu’une amélioration de leurs conditions de travail : « La lutte commence aujourd’hui, elle sera peut-être longue mais nous ne céderons pas et continuerons cette grève avec d’autres rassemblements jusqu’à ce que le personnel travaille dans des conditions au moins décentes ».
Il s’agit d’une lutte qu’il faut généraliser : que ces EHPAD soient publics ou privés, tous sont financés en majeure partie par la Sécurité sociale qui prend les soins en charge et par les Conseils départementaux qui gèrent la dépendance et une partie de l’hébergement. Tous sont également sous la tutelle des Agences Régionales de Santé (ARS) créés par Xavier Bertrand pour restructurer le secteur sanitaire, dans une logique comptable et d’instauration de « l’hôpital entreprise » en donnant des pouvoirs coercitifs à ces « préfets sanitaires » que sont les directeurs généraux.
En cette année du 80e anniversaire de la Sécurité sociale, à l’heure où la solidarité s’effondre et où la population française ne cesse de vieillir, plus que jamais il ne faut rien lâcher pour conserver ce système si précieux !