On aimerait se passer de commenter les jeux de politique politicienne. Mais malheureusement ils ont une influence sur le mouvement réel et aussi sur notre Parti.
Pour sa rentrée, Mélenchon n’a pas fait dans l’originalité. Dans son interview au Journal du dimanche du 18 août, il teste une nouvelle série de formules pour mieux invectiver Hollande et ses ministres. Ses anciens camarades du PS ont réagi au quart de tour en condamnant ses propos et en demandant même au PCF de les désavouer. Pour le porte-parole du PS, David Assouline, « Mélenchon n’a d’ennemis qu’à gauche et cela commence à plus que se voir ». PS et Mélenchon, des amis de 30 ans, ennemis aujourd’hui ? Pas si sûr.
On commence à connaître la musique. Avant les présidentielles de 2012, Mélenchon se répand en mauvais mots sur Hollande. Mais le soir du 1er tour, il appelle à voter pour lui comme si c’était lui-même. Remis de sa défaite aux législatives, il conspue à nouveau copieusement le président. Mais, avant son show du 5 mai à la Bastille, il lui propose de constituer un nouveau gouvernement avec comme premier ministre, lui-même ou bien Arnaud Montebourg.
Notons au passage, qu’en matière d’alliances, Mélenchon est très ouvert. En 2010, il tendait la main à Cohn-Bendit. En 2013, il a plus de succès avec Eva Joly, ancienne supportrice du Modem, et grande défenseuse de l’UE. Alors pourquoi pas Montebourg, qu’il se garde bien de critiquer dans sa revue des ministres dans le JDD.
Avant les municipales, Mélenchon et ses disciples locaux éructent contre le PS (voire le PCF). Mais on peut parier que c’est pour mieux négocier les fusions de liste avant le second tour…
Finalement, on comprend pourquoi les dirigeants du PS mettent en avant avec insistance leur ancien camarade au Sénat, comme opposant à leur politique.
Avec ses aboiements, Mélenchon se révèle un excellent rabatteur, apte à canaliser des électeurs de gauche, des syndicalistes, qui pourtant condamnent la politique antisociale du gouvernement.
Sur le fond, Mélenchon prend garde à n’avancer aucune proposition de rupture, susceptible d’alimenter des mobilisations, surtout pas sur l’UE. De façon significative, dans le JDD, il se contente sa fumeuse « planification écologique » comme alternative.
Comme perspective politique, il renvoie tout à un changement institutionnel illusoire, passant soit par son élection à la présidentielle de 2017 soit par son entrée au gouvernement. Une telle menace de « révolution citoyenne » ne fait trembler ni les fenêtres de l’Elysées, ni celles de la Bourse.
L’interview du JDD montre aussi, de façon préoccupante, la même inspiration mitterrandienne chez Mélenchon et les dirigeants du PS dans l’instrumentalisation du Front national. Ils ont engagé une dispute lamentable entre eux : qui de toi ou de moi fait plus le jeu du FN ?
Mélenchon attaque violemment Valls. Ce carriériste emboîte clairement et dangereusement le pas à la droite sur les thèmes de l’immigration et de la sécurité. On sait combien cette politique banalise les positions du FN sur ces sujets.
En retour, des dirigeants du PS reprochent à Mélenchon « de faire le lit du FN ». Quand ce dernier accuse Valls de « chasser sur les terres du FN », il est en effet bien mal placé après sa désastreuse croisade législative dans le Pas-de-Calais.
Ses outrances verbales, ses accusations et injures publiques contre le « tout pourri » déplacent le débat politique sur un autre terrain de prédilection du FN. Dans le même temps, son absence de position de rupture réelle et d’organisation de lutte, ses propres pratiques politiciennes, laissent le FN, en pleine stratégie de démagogie sociale, détourner la colère populaire et mystifier une partie de l’opinion (par exemple sur l’UE).
Le calcul de Mélenchon ne cesse de se confirmer. Il ne cherche pas d’abord à combattre le FN mais à se servir de son opposition (verbale) à lui comme faire-valoir à gauche. Marine Le Pen se délecte. Elle aussi a trouvé son meilleur ennemi.
A court terme, ces jeux dangereux avec le FN servent le PS et le gouvernement. L’utilité du FN comme repoussoir n’est plus à démontrer. Plus il y aura de listes FN au second tour, plus la « gauche » peut espérer garder ou gagner de municipalités. Les dirigeants du PS appellent déjà de façon redoublée à l’union de la gauche contre l’extrême-droite montante. Sur un autre plan, Hollande, dans son interview lénifiante du 14 juillet, s’est inquiété de « l’extrême gravité de la montée du FN » mais pour s’en servir immédiatement pour justifier sa politique d’intégration européenne et de défense de l’euro.
Alors Mélenchon ennemi du PS ? Disons son meilleur ennemi ! Mais avec le PCF, il se conduit plutôt en très mauvais ami.
Dans la préparation des municipales, Mélenchon et ses disciples soufflent le chaud et le froid. Ils font tourner les élus PCF en bourriques en remettant en cause tous les arrangements conclus avec le PS. Rien ne retient ces transfuges de la social-démocratie dans la surenchère gauchiste, dans les prétentions ahurissantes en termes de places, parfois dans l’anticommunisme direct.
Nationalement, les outrances de leader du PG font ressortir les options bien modérées des directions du PCF, sa satellisation au PS. Un comble de la part de ces ex-socialistes… Mélenchon ne se garde jamais de les souligner, n’épargnant que Pierre Laurent et Marie-George Buffet. Le 24 juillet, André Chassaigne, chef de file des 7 députés PCF restants, a jugé nécessaire de se démarquer sur RFI : « on n’a pas de posture a priori contre le gouvernement ». Sur une question cruciale, en décalage avec le rejet de classe massif de l’UE, apparaît crûment la tiédeur des positions des dirigeants du PCF « soucieux de sauver l’euro en le transformant ». Sur des positions tout aussi pro-européennes, Mélenchon masque bien mieux son jeu.
Le résultat en termes d’élus municipaux est totalement imprévisible. Mais l’organisation PCF perd encore en image et en crédit politique dans la lutte des classes.
La direction ne peut en vouloir qu’à elle-même. C’est elle qui a fait le choix, après l’échec des collectifs antilibéraux de 2006, d’introniser Mélenchon à la tête d’un Front de gauche destiné à poursuivre le même processus de dilution réformiste du Parti et de ses positions. Mais maintenant, Mélenchon est le dépositaire national du Front de gauche, qu’on le veuille ou non. Il n’a pas de comptes à rendre à ses alliés. En cas de divorce, il garde le principal, le nom, la légitimité mais la direction du PCF (avec ses petits partenaires gauchistes/réformistes comme les refondateurs) se retrouverait encore plus affaiblie qu’en 2007.
Il n’y a qu’une seule façon de se sortir de cette impasse. Elle coïncide avec l’impératif de faire reculer la politique au service du capital qu’elle soit menée par le PS ou la droite, avec celui de couper l’herbe sous le pied à l’extrême-droite.
Tourner la page du Front de gauche, porter à nouveau les positions historiques révolutionnaires du PCF, immédiatement contre l’UE et l’euro, pour des nationalisations, pour la défense du financement de la sécurité sociale, pour le retour aux 37,5 annuités de cotisations…
Malgré la confusion nationale, des organisations du PCF se tiennent à cette ligne et préparent la rentrée sur les positions de lutte qu’attend le mouvement social.