Article AC pour http://www.solidarite-internationale-pcf.fr/
La vague. La radicalisation de la population grecque face à une insupportable austérité, l’effondrement de la social-démocratie traditionnelle et une certaine complaisance médiatique ont permis à SYRIZA de remporter un triomphe électoral. Le KKE a fait mieux que résister.
L’ « Union sacrée » derrière SYRIZA ?Jamais une nouvelle n’avait été accueillie avec autant d’enthousiasme en France.De Moscovici à Hamon, de Le Pen à Mélenchon, de Libération à l’Humanité, les communiqués se multiplient, louant cette surprise attendue.
François Hollande s’est fendu d’un communiqué très politique sur « son désir de poursuivre une coopération étroite entre nos deux pays au service de la croissance et de la stabilité de la zone euro, dans un esprit de progrès, de solidarité et de responsabilité qui est au cœur des valeurs européennes que nous partageons. »
L’électorat social-démocrate radicalisé : du PASOK à SYRIZA
Sauver l’Europe, à tout prix.C’est l’objectif partagé de Tsipras, Hollande tout comme de Mario Draghi qui a lancé un vaste plan de rachat de dettes, de relance monétaire (« Quantitative easing ») compatible avec le programme de SYRIZA : un peu moins d’austérité, une dette allégée, mais des « réformes structurelles » pour les investisseurs, le maintien de l’Euro.
Il est vrai que le score de SYRIZA était inimaginable il y a 5 ans. En 2009, le parti était en crise avec 4,5 % des voix, 13 sièges. En mai 2012, il passe à 16 % des voix (52 sièges), en juin 2012 à 27 % (79 sièges). Cette fois, en 2015, il réalise un score historique : 36 %, 149 sièges.
Ce n’est pas un hasard, les résultats du PASOK (Parti socialiste) suivent exactement la courbe inverse : de 43,9 % en 2009 (160 sièges), à 12,3 % en 2012 (33 sièges), puis 4,7 % en 2015 (13 sièges). Par un système de vases communicants, les voix du PASOK sont passées à SYRIZA.
Derrière SYRIZA, la droite incarnée par la Nouvelle démocratie (27 %, en baisse de 2 points), suivent trois partis dans un mouchoir de poche : les néo-nazis de l’Aube dorée (6,3 %, 17 sièges), le nouveau parti pro-européen de centre-droit la Rivière (6 %, 17 sièges) et le Parti communiste de Grèce/KKE (5,5 %, 15 sièges).
Le KKE progresse, dépasse le PASOK et bat l’Aube dorée à Athènes !
Pour le KKE, c’est une progression par rapport aux résultats de 2012 : il passe de 4,5 à 5,5 %, de 270 000 à 300 000 voix, gagnant 2 députés. Dans un contexte de vague SYRIZA, le résultat est plus qu’honorable. Il arrive même à devancer le PASOK, une première depuis la fin de la dictature.
Dans nombre de régions, ce fut un bras de fer. Ce fut le cas à Athènes où – si on cumule les deux circonscriptions – le KKE a battu d’un fil l’Aube dorée. Les deux partis ont 4 députés, mais le KKE obtient 75 000 voix contre 68 000 pour les néo-nazis, avec un peu plus de 6,6 % des voix.
Le Parti communiste grec obtient son meilleur score dans ses bastions que sont les îles de Samos (15 %), Lesbos (11 %), Lefkada (10 %), Céphalonie (9 %) et Zante (8,6 %). Il obtient également de très bons scores dans la deuxième circonscription, industrielle, du Pirée (8 %).
Au niveau national, si l’Aube dorée recule – passant de 6,9 à 6,3 % (de 420 à 340 000 voix) – le symbole est contre-balancé par le fait qu’elle est désormais formellement la troisième force du pays, rassemblant encore des parties importantes de la population, en sous-prolétarisation accélérée.
SYRIZA vers un gouvernement de coalition avec la « nouvelle droite » ?
Le discours de Tsipras à l’annonce des résultats partiels a été lyrique. Il a parlé de « changement de cap », de « la fin de la troika », du jour « où le peuple grec a écrit l’histoire ».
Pour tout de suite, mettre les choses au clair : « il va négocier avec les partenaires européens, pour un plan de réformes sans déficit, ni excédent irréalisable ».SYRIZA sera un bon élève de l’Europe.Magnanime, « sans vainqueurs, ni vaincus », il élaborera un « gouvernement de tous les Grecs ».
Du lyrisme pour les foules, on va vite passer au réalisme politique et aux manœuvres de couloir. Selon les dernières estimations, SYRIZA n’obtiendra pas la majorité absolue des 151 sièges. Il doit donc négocier ferme.
Ce sera sans les partenaires naturels sociaux-démocrates de DIMAR, recalés, ni le PASOK infréquentable. Le KKE refuse de participer à un gouvernement de coalition. Mais Tsipras ne désespère pas d’obtenir un « vote de tolérance » au moment de l’investiture gouvernementale.
Tsipras va donc se tourner vers la droite. Mais vers qui ?
La Rivièrea déjà fait les yeux doux. Animé par le médiatique présentateur télévision S.Teodorakis, parti de centre-droit, résolument pro-européen, libéral économiquement mais aussi libéral sur les mœurs, La Rivière se présente comme un parti neuf, moderne, responsable.
Son leader a affirmé à l’annonce des résultats qu’il était prêt à négocier avec Tsipras pour former un gouvernement de coalition.Il semble néanmoins refuser un accord avec les nationalistes des Grecs indépendants, jugés trop « anti-européens ». L’accord avec cette formation semblait le plus plausible, indiquant un virage nettement pro-européen, modéré de Tsipras.
Les dernières nouvelles, très tard dans la soirée, iraient plutôt vers la possibilité d’un gouvernement de coalition entre SYRIZA (Coalition de gauche radicale) et … les Grecs indépendants (ANEL) de Panos Kamenos, une scission de droite de la Nouvelle Démocratie.
Les Grecs indépendants sont présentés comme « populistes », « euro-sceptiques », combinant positions anti-immigration et anti-austérité, avec sa proximité avec l’Église orthodoxe. Le rejet du mémorandum, celui de la Troika, de la « colonisation allemande » est fondateur du parti.
Au niveau européen, les Grecs indépendants se sont rapprochés ces derniers mois du UKIP de Nigel Farage– dont il ambitionne de jouer un rôle semblable en Grèce. Ce n’est sans doute pas une coïncidence si Marine Le Pen, qui rêverait d’un schéma similaire dont elle serait la force hégémonique, a salué une potentielle victoire de SYRIZA.
La presse grecque évoque une rencontre entre Tsipras et Kamenos à 10 h 30 lundi, avec en discussion un pacte de gouvernement SYRIZA-ANEL, et l’octroi aux Grecs indépendants d’un ministère important.
Les prochains mois avec la révélation du véritable agenda de SYRIZA, sans doute même les prochains jours avec le dévoilement du nouveau gouvernement, risquent d’être révélateurs d’un nouveau cap peut-être éloigné de celui de millions d’électeurs. Après (ou avec) la vague SYRIZA, c’est aussi à la vague droitière qu’il faut résister. Avec un KKE fort.