Extension de la vidéosurveillance : gaspillage de l’argent public !

ConseilMunicipal

Conseil municipal de la ville de Saint-Quentin
du 18 mars 2013, intervention d’Olivier Tournay,
conseiller municipal PCF.

 

« Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les Conseillers municipaux

Vous nous annonciez fièrement lors du dernier conseil municipal une baisse de la délinquance à Saint-Quentin. Nos sources sont concordantes je confirme cette baisse, et c’est tant mieux.

Bien entendu, il ne vous en fallait pas moins pour faire le parallèle avec la vidéosurveillance (parfois en me faisant les gros yeux durant vos discours !). Et que dites-vous ? En substance, grâce à la vidéosurveillance, la délinquance baisse. Pourquoi ? Parce que !

Une fois de plus, il va falloir vous démontrer (mais vous le savez très bien), preuves à l’appui bien entendu, que vous gaspillez l’argent public, car le rôle de la vidéosurveillance reste marginal lorsqu’il s’agit de traitement de la délinquance.

Certes oui, la délinquance a baissé de 9.1%[1] à Saint-Quentin intra muros, mais de quelle délinquance parlons-nous ?

Des atteintes volontaires à l’intégrité physique (qui comprend essentiellement les bagarres et les menaces) -3,3 %  en un an. Ca baisse tant mieux mais ça ne fait pas le compte.

De la colonne vols à mains armés, vols violents, cambriolages et dégradations[2] ? Ah non, là, ça augmente. +1.6% depuis 2009 (c’est-à-dire depuis que la vidéo surveillance est déployée et +  6.8% en un an. Pas franchement dissuasif !

Des vols simples[3] ? +23% depuis 2009, + 3% en un an.

Alors d’où vient cette baisse ? En grande partie d’une donnée qui n’a rien à voir avec la vidéosurveillance, à savoir les infractions économiques et financières (type escroquerie internet[4]).

La baisse que vous annoncez ne peut de fait être liée à la vidéosurveillance.

A plusieurs reprises, l’opposition a demandé qu’une étude[5] soit menée sur la vidéo surveillance à Saint-Quentin, au regard du coût très élevé du système. Vous refusez systématiquement.  Si on ne peut le prouver, ça s’appelle simplement de la croyance.

Allons voir dans ce cas ce qui se passe dans les communes qui touchent Saint-Quentin comme Gauchy, Harly, là où il n’y a pas de vidéo surveillance (les inconscients !). Résultat : ça baisse aussi !

La municipalité doit-elle s’en approprier le résultat ? Les caméras à 30 000 euros pièce irradieraient-elles aussi loin ?

Ce n’est pas un cas spécifique. L’exemple de Lyon, précurseur en matière vidéo surveillance et sa voisine Villeurbanne, qui la refuse, est identique, avec même une baisse de la délinquance plus importante dans cette dernière.

Après avoir regardé les villes alentours, regardons par quartiers.

Un est surexposé, c’est le centre-ville.  D’autres ne les sont pas ou très peu (ce n’est pas une critique, bien au contraire).

Pour quels résultats ?

Le centre-ville avec ses 22 caméras extérieures  sur 57 : + 6.2 % en un an (toutes les catégories de vols et de violences sont en augmentation).

Les quartiers où il n’y en pas ou très peu : ça baisse. –35.8% à Neuville avec une caméra extérieure. -11.1% à Saint-Martin avec deux caméras extérieures.

Conclusion objective : ce ne sont pas les caméras qui font baisser la délinquance.

 

Et c’est d’autant plus scandaleux au regard du coût exorbitant pour la ville. Cette année, c’est 615 000 euros venant s’ajouter aux 2 millions d’euros déjà dépensés, sans compter, le loyer du Centre de Supervision Urbain (1355 euros par mois), ainsi que le personnel. On arrive pour l’instant, estimation très basse à plus de 3.7 millions d’euros. Ce même personnel qui est censé   visionner ce que filment 75 caméras, alors qu’ils n’ont que 20 écrans à leur disposition.

Bref, 3.7 millions d’euros pour des caméras que personne ne visionne après 1h du matin en semaine. En matière de dissuasion, mettez une boite en carton peinte en noir, vous aurez le même résultat.

Je ne suis pas le seul à le dire, la Cour de comptes pointe elle aussi « des modalités contestables d’installation et d’exploitation ». Elle estime qu’ “aucune étude d’impact, réalisée selon une méthode scientifiquement reconnue, n’a encore été publiée[6]

Alors Monsieur le Maire, si la vidéo surveillance est de fait inefficace pour un coût disproportionné, à quoi peut-elle servir si ce n’est de servir d’argument politique passablement populiste ?

Avec tout ce que coûte cette vidéosurveillance au contribuable, on pourrait en faire des choses nettement plus intéressantes pour le bien-être de la population. A Saint-Quentin, ce choix pourrait représenter plus d’une vingtaine  d’emplois municipaux de proximité (que ce soit des policiers municipaux, des éducateurs de rue, des agents de médiation, des correspondants de nuit), en mesure de rassurer la population et de réguler les conflits de la vie quotidienne de manière autrement plus efficace. Tout en laissant à la Police Nationale ce qui entre dans ses prérogatives, les crimes et délits (et apparemment, elle s’y attelle, car de part son action globale, la délinquance baisse).

Vous l’aurez compris, cet argent nous l’aurions bien mieux utilisé que vous, sans escroquer la population sur le sentiment d’insécurité !

J’en ai fini, j’attends les poncifs (« ceux qui n’ont rien à se reprocher n’ont rien à craindre de la vidéoprotection ») et toujours les mêmes exemples de réussite que vous reprenez à chaque fois, sans même se demander s’ils auraient pu être résolus par les investigations de la Police.

Merci de votre attention. »

 

[1]Faits constatés à Saint-Quentin 2009 : 4374 ; 2011 : 4440 ; 2012 : 4035

Source Police Nationale

[2]  Faits constatés à Saint-Quentin pour les index 15 16 17 19 20 22 23 25 26 27 28 29 30 32 35 36 37 38 66 67 68 62 63 Source Police Nationale

2009 : 1588, 2011 : 1510, 2012 : 1614

[3]  Faits constatés à Saint-Quentin pour les index 32 33 39 40 41 42 43 Source Police Nationale

2009 : 657, 2011 : 828, 2012 : 854

[4] Indicateurs « état 4001 » suivi par le commissariat de Saint-Quentin

Infractions économiques et financières : 2011 : 653, 2012 : 416 soit -36.29%

[5] [5] Etude dont les critères seraient :

– Cibler  quelques délits bien précis.

– Choisir des secteurs de ville : l’analyse de l’impact ne peut être basé sur les individus mais sur des territoires, similaires, qu’il faut comparer avec l’utilisation ou non de la vidéosurveillance.

– La délinquance étant toujours sujette à des fluctuations de contexte : par exemple Les vols de portables sont de fait plus courants aujourd’hui qu’il y a 15 ans. Donc, prendre en compte le contexte.

– Comparer des zones témoins (avant et après l’installation de la vidéosurveillance, avec un recul d’au moins deux ans dans chaque cas ; tout en la comparant avec des zones sans vidéosurveillance. Ceci en prenant en considération que la délinquance se déplace (effet plumeau de la vidéosurveillance)

– Tenir compte des effets concurrents (comme le fait que des zones soient éclairées, ce qui rend plus difficile le passage à l’acte, et n’est pas forcement le fruit de la vidéosurveillance)

[6] Source :  Cour des Comptes , novembre 2010 http://www.ccomptes.fr/index.php/content/download/37262/603805/version/2/file/PAR201023.pdf

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